9 juin 2009
Facebook, la démocratie et les militants
Je m’apprête à faire un post à haut risque dans la mesure où je vais peut-être perdre mes lecteurs de droite. [Sauf mon pote Sly, parce que c’est mon ami et qu’il prend les choses avec intelligence – parce que oui, figurez-vous que j’ai un bon ami sarkozyste revendiqué ce qui, d’emblée, vous prouve mon ouverture d’esprit/ou ma conviction de pouvoir persuader n’importe qui/ou mon peu d’intérêt pour les opinions politiques de mes proches que je laisse se fourvoyer dans l’erreur.] Plutôt que mes « lecteurs de droite » d’ailleurs, précisons « mes lecteurs militants de droite » (sait-on jamais, il y en a peut-être… déjà que j’ai découvert récemment que j’avais au moins un lecteur qui écoute Johnny Halliday).
Tout a commencé en me promenant sur Facebook. Au passage, je m’auto-congratule d’avoir trouvé LE mec en France qui ose mettre comme statut :
« Une très belle fin de campagne pour les Européennes, un émouvant discours de François Fillon, une belle scénographie.. du bonheur.. à l’image de l’Europe que nous voulons. »
PFFFF…
J’ai soufflé, j’ai secoué la tête avec une certaine « fatigue de vivre » (mettre l’accent de l’américain qui prononce du français) mais je n’étais pas au bout de mes surprises…
quelques pages plus loin…
j’ai découvert…
Sandra Rodrigues Teixeira.
D’abord, s’est imposée à moi la nécessité d’une opération « Sandra Rodrigues Teixeira is my president ». J’imaginais déjà les t-shirts. A ce stade, des gorgées de bonheur inondaient mon oesophage. (Reformulation tordue de l’antique expression : « boire du petit lait »)
Je ne peux décemment pas me moquer des fautes d’orthographes de Sandra Rodriguez Teixeira
dans la mesure où le français n’est pas sa langue maternelle. (Même si la différence d’emploi entre ! et ? ne me semble pas propre au français – ex : « merci fatou , mais pourquoi je suis forte !!!!! ») Je ne dirai rien quant à ses origines portugaises non plus parce que j’ai une longue histoire avec ce pays…
Au fur et à mesure de mes recherches sur Sandra – oui, j’avais pas l’énergie pour faire autre chose ce jour-là – Sandra s’est transformée. Je ne la connais pas donc je ne me permettrais pas de parler d’elle en tant qu’individu. Je m’intéresse à elle dans la mesure où elle représente le paradigme d’un certain type de militant. Un militantisme assez proche de la groupie attitude teintée d’un désespoir total (c’est-à-dire du report de tout espoir sur un homme précis). Plusieurs traits dominants se dégagent.
1°) la groupie-attitude.
Elle pense que toutes les idées sont les idées de Frédéric Lefebvre. (Elle voue un culte à Fredo, je vous préviens tout de suite.)
Elle commente méthodiquement toutes les activités facebook des hommes de droite avec force !!
pour faire partager son enthousiasme.
Elle met en lien sur leur wall les vidéos de leurs meilleures interventions ainsi que les articles concernant chacun d’entre eux. Et autant dire que ça lui demande un gros boulot puisque dans ses amis, on trouve : Jean-Louis Borloo, Xavier Bertrand, Luc Chatel (sic), Douste, Christian Estrosi, Yves Jégo, NKM, Eric Woerth, Laurent Wauquier mais surtout son héros préféré, vous l’aurez compris, Frédéric Lefebvre qu’elle défendra envers et contre tout (et dieu sait que c’est pas une tâche évidente)
2°) Elle est toujours d’accord avec son interlocuteur – même quand celui-ci écrit pour la contredire – tant qu’il s’agit de quelqu’un de son bord. Elle semble très respectueuse des autres.
3°) par contre, elle se déchaine contre ses ennemis.
4°) il y a quelque chose de l’énergie du désespoir dans ses prises de position. Elle y croit – on est vraiment dans une croyance plus que dans de la conviction rationnelle. Et perdre cette foi, qui prend racine dans une souffrance évidente, signifierait abandonner, être vouée au malheur sans retour ou amélioration possible.
5°) Sa confiance aveugle dans la majorité gouvernementale la rend totalement sectaire et méprisante envers autrui. Par exemple, elle s’emporte sur le blocage des facs alors que de toute évidence elle n’est absolument pas au fait de la réforme. Mais cette réforme vient de l’UMP donc ne peut par essence qu’être salutaire. (Pour le coup, non, non, non, on ne me fera pas croire qu’avec ses problèmes syntaxiques, Sandra est hyper au fait de la réalité de la vie des enseignants-chercheurs). Et son commentaire suinte un mépris absolu au sujet des pauvres étudiants qui seraient instrumentalisés (par Moscou hein bien sûr), c’est-à-dire qui n’auraient aucune autonomie intellectuelle. Puisque, s’ils en avaient une, ils soutiendraient évidemment la réforme. On est exactement à l’opposé du pragmatisme dont se revendique pourtant l’UMP, on est dans de l’idéologie pure.
J’ai commencé ce post en parlant de mes lecteurs militants de droite mais on peut évidemment se demander si l’équivalent n’existe pas à gauche, si je ne devrais pas généraliser à « mes lecteurs militants » tout court. A l’heure actuelle, j’ai l’impression que cette « fan-attitude » est symptômatique du rapport des politiques de droite avec leurs militants. Le PS (je suis désolée, là, je m’en tiens aux deux principaux partis en terme de taille) a perdu cette capacité à enthousiasmer au-delà du raisonnable et du rationnel. Evidemment, nombre de militants dans les deux camps conservent leur esprit critique, il n’est pas question de stigmatiser le principe même du militantisme. Juste de relever que certains conservent la même foi, que l’actuel président est toujours considéré comme un genre de sauveur. C’est lui et certains de ses conseillers, c’est surtout la rhétorique de la nouvelle France, du changement, du modèle libéral anglo-saxon – une somme de fantasmes que ces militants gardent chevillés au corps, confondant des projections oniriques, des impressions, presque des sensations déclenchées par certaines associations de mots comme « libérer les énergies du pays » avec une vraie réflexion sur un programme politique.
Or l’abandon de l’esprit critique dans un régime politique comme la démocratie est une catastrophe. Bien malgré elle, Sandra R. Teixeira participe à l’enterrement du régime politique qui lui laisse la liberté de s’exprimer.
tu t’es faite avoir : Sandra est l’évolution ultime du bot de dialogue « ALICE », maintenant adapté pour conforter le chatteur militant de base
(serais-je moi aussi un bot commentateur ?)
le 14 juillet, 2010 à 3 h 17 min