12 mars 2009
Nadja, l’ancêtre du blog – part 2
C’est à cause de cette simultanéité écriture/vie que s’ébauche dans Nadja le principe de la non-relecture. (Même si Breton corrigera des tournures syntaxiques des années plus tard, en 1962). « si je relisais cette histoire, de l’oeil patient et en quelques sorte désintéressé que je serais sûr d’avoir, je ne sais guère, pour être fidèle à mon sentiment présent de moi-même, ce que j’en laisserais subsister. Je ne tiens pas à le savoir. » (p172) Parce que c’est le Breton d’août 1927 qui a écrit et que le Breton de décembre 1927 n’a pas à le corriger et ne s’intéresse d’ailleurs même plus à cette histoire (ce qui l’intéresse désormais, c’est Suzanne). De même qu’un blogueur ne va pas corriger un vieux post, ça n’aurait pas de sens. Ce qui l’intéresse c’est le présent, sa Suzanne à lui.
Et donc : « je laisse à l’état d’ébauche ce paysage mental » (p179)
La non-relecture n’est donc pas une simple paresse. Elle est indissociable de la volonté de fixer le présent. La seule relecture que s’autorise beaucoup de blogueurs consistent à relire de vieux posts non pas pour les corriger mais pour les commenter. En arrière-fond, cette attitude présuppose que l’individu évolue sans cesse en une succession de « moi » qui s’abolirait les uns après les autres. La seule continuité existante devient alors précisément le blog qui représente cette succession (un peu ce qu’elle dit ICI). Exactement l’inverse d’une autobiographie qui recrée les évènements a posteriori.
La référence au « moi » n’est pas innocente. Nadja, comme nombre de blogs, tend vers une quête identitaire. Exprimer sa subjectivité, c’est forcément l’interroger, chercher ce qui différencie chacun des autres. « Par-delà toutes sortes de goûts que je me connais, d’affinités que je me sens, d’attirances que je subis, d’évènements qui m’arrivent et n’arrivent qu’à moi, par-delà quantité de mouvements que je me vois faire, d’émotions que je suis seul à éprouver, je m’efforce, par rapport aux autres hommes, de savoir en quoi consiste, sinon à quoi tient, ma différenciation. N’est-ce pas dans la mesure exacte où je prendrai conscience de cette différenciation que je me révélerai ce qu’entres tous les autres je suis venu faire en ce monde. » (p11)
4°) le mélange des genres.
Nadja est le paysage mental de Breton en 1927 parce qu’il y suit le fil de sa pensée du moment ce qui implique forcément un mélange des genres (surtout dans la première partie). On y trouve donc tout et rien (en apparence sans cohérence, d’où beaucoup de blancs typographiques pour marquer que l’auteur passe à autre chose, un découpage qui rappelle celui des posts. Evidemment, le texte trouve sa cohérence dans son auteur.) Anecdotes, réflexions personnelles, souvenirs, se mêlent sans plan d’ensemble pré-établi.
Anecdote : « Il n’y a que quelques jours, Louis Aragon me faisait observer que l’enseigne d’un hôtel… » (p64)
Les prises de position personnelles (et le défoulement) : « Je sais que si j’étais fou, et depuis quelques jours interné, je profiterais d’une rémission que me laisserait mon délire pour assassiner avec froideur un de ceux, le médecin de préférence, qui me tomberait sous la main. J’y gagnerais au moins de rendre place, comme les agités, dans un compartiment seul. On me ficherait peut-être la paix. » (p166,167)
Ce fil de la pensée implique aussi un style polymorphe. Même si pour un lecteur actuel, le style de Breton relève plutôt d’un registre soutenu, il s’agit avant tout de retranscrire le plus fidèlement possible le vécu. Donc pas de descriptions romanesques mais des détails précis. D’où l’emploi de :
– phrases nominales (« Cinq cents francs. » p107)
– formules lapidaires (« 9 octobre. – Nadja a téléphoné en mon absence. » p109)
– des phrases interrompues par « etc » ou « … »
– la multiplication des parenthèses – notamment pour commenter.
– l’emploi des italiques pour insister.
– l’utilisation des capitales « la beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas.«
La différence fondamentale c’est que chez Breton cette écriture est l’expression d’une démarche théorisée, réfléchie, consciente – au point d’en faire un manifeste. Parce que la vie se présente comme un cryptogramme à déchiffrer, parce que Breton se meut dans une forêt de signes. Ainsi, la rencontre Nadja lui apparaît finalement comme une anticipation de son amour pour Suzanne.
Oh joie de retrouver sur ce blog que je lis depuis un moment cette immonde merde qu’est Nadja, et que j’ai eu le bonheur de devoir étudier pour mon bac. C’est vieux pourtant. Putain ce que ça a marqué.
Bon, là en général les gens font remarquer que c’est le fait de l’avoir étudié qui a pourri le truc. Faux. Les disséquer connement avec « l’aide » de profs plus ou moins doués n’a jamais réussi à me faire détester les livres. Ni Si c’est un homme ni Martin Eden en tous cas.
Mais Nadja, c’est vraiment de la merde. Je me fous des sens cachés. Mélange d’enculage de mouches, de branlette intellectuelle et de mauvaise foi, c’est affreux à lire, chiant à méditer, vide de sens dénué du moindre apport.
Naze. Le néant de la littérature.
Ah oui, et Nadja, c’est une pute. De son métier je veux dire, ce que Breton ne dis jamais.
Par contre la comparaison avec le blog relève du génie pur.
Merci pour ce blog, vraiment, même si j’admets qu’on a déjà vu plus constructif que ce 1er commentaire de ma part.
le 24 novembre, 2010 à 14 h 32 min