15 avril 2009
Guide des chiottes n°7
Comme je ne suis pas loin d’y installer un lit de repos, de demander un casier pour y ranger mon pyjama, peut-être même d’y transporter la gamelle de Tikka, il était temps que je fasse mon compte-rendu des toilettes de chez Jeannette.
Pour ceux qui ont connu la version avant travaux qui, dans l’évolution des sanitaires humaines, se plaçait après le trou dans le sable mais avant les toilettes à la turque, ces toilettes sont éminemment exceptionnelles, sublimes, merveilleuses. Nonobstant les gouttes d’urine sur le sol et la cuvette qui partout ailleurs passeraient pour des marques de décadence sanitaire mais ici ce ne sont que multiplicité de signes de convivialité. L’absence de rebord pour poser son sac ? Mais quel besoin puisqu’on est confortablement installé à une table où on peut le laisser.
Finalement, le seul inconvénient notable c’est que le rebord du rouleau de pq est penché. A priori, ça dérange pas trop. Sauf qu’on ne peut rien poser dessus et pour les malades comme moi qui emmènent leur téléphone aux chiottes, c’est pas terrible. Est-ce que j’ai vraiment besoin de développer sur cette manie ? Je sais qu’on est plusieurs à souffrir de ce trouble du « je ne peux pas laisser mon téléphone seul plus de dix secondes ».
Jusqu’à présent, j’ai ignoré les réflexions éthilo-philosophiques dans les toilettes de bar. C’est une erreur de ma part.
Les toilettes de chez Jeannette sont définitivement placées sous le signe de la convivialité. Par exemple, le petit sas avant les toilettes est une invitation au partage notamment grâce à une pissotière hight tech qui permet aux garçons de faire pipi à une distance de trente-deux centimètres des demoiselles qui font la queue. (Et là, vous noterez un effort considérable de ma part pour ne pas tomber dans le jeu de mot graveleux.)
Mais surtout il y a le sèche-main Dyson de la mort, digne d’un hôtel 5 étoiles.On ne sait pas très bien ce qui leur a pris chez Jeannette, un excès d’excentricité, s’ils étaient bourrés le jour où ils avaient le catalogue des sèches mains devant les yeux, bref ils ont craqué et ils ont donc investi dans cette machine du futur. (Vous noterez au passage l’espace aménagé exprès pour poser son verre comme Loïc nous en fait la démonstration sur cette photo).
Et c’est donc en allant pisser qu’on découvre que Abstrait-concret a investi dans des stickers.
Une histoire dans les chiottes visitées par Titou
Chapitre 7 : Rencontre aquatique
De retour chez, Jeannette, j’avais pris ma place à une table, mon téléphone bien en évidence. Mon esprit vaquait loin dans l’espace intersidéral de nos échanges seulement replongé dans la réalité par un regard posé toutes les trente secondes sur ce foutu téléphone qui ne voulait pas sonner. Alors, dans cette attente interminable, je me remémorais les évènements qui m’avaient amené ici.
En grand timide et grand fainéant, je m’étais inscrit sur le site de rencontres et après avoir fait un choix très rigoureux dans les personnes à contacter (toutes celles qui étaient connectées à l’instant T, une cinquantaine quoi), j’attendais patiemment les réponses, allumant clope sur clope dans le but de pouvoir tenir une promesse intérieure : j’arrête de fumer si je trouve l’âme soeur.
Un premier message… Ô joie immense, je l’ouvre, et il est écrit dans ce sabir nouveau qui pleuvent dans les échanges par texto et dont les jeunes sont friands mais dont le sens m’échappe. Après dix minutes de tentatives de déchiffrement, j’ai un problème de dyslexie, ce qui complique encore plus la chose, j’abandonnais l’idée même de répondre, soutenu par l’arrivée d’une deuxième réponse.
Un deuxième message… Ô doute impérieux, faites qu’elle s’exprime à peu près correctement. Oui, il était lisible, très explicite et dans le genre de la mode qu’avait lancé notre cher Président. J’allais donc lui répondre dans des termes peu élogieux, quand après trois pages de défouloir, mon ordinateur plante. Je reboote, je patiente, me reconnecte et là un troisième message.
Un troisième message… Ô mains qui tremblent de cet empressement pathologique ! je clique sur poubelle au lieu de lecture… la rage me prend ! je fouille, je scrute le site, retourne chaque onglet, et trouve enfin la poubelle dans laquelle le message effacé par erreur se trouve.
Un troisième message bis… Ô décharge d’adrénaline ! je l’ouvre donc et le Français est correct et compréhensible et l’invitation à faire connaissance, sympathique. Je me levais allais respirer un grand bol d’air à la fenêtre, appréciai l’odeur des pots d’échappement puis retournai devant mon ordinateur… pas de panique, répondre comme il faut et quand même ne pas trop s’engager au cas où un autre message viendrait. Une pointe d’humour, un brin de réalisme, un fond de cynisme, saupoudré ensuite d’une marque indélébile de tu-es-unique-même-sur-ce-site-qui-ressemble-à-un-supermarché. Puis une réponse.
Un quatrième mail… Ô la réponse ! Bon, là je me dis mon p’tit gars, va quand même voir qui c’est. J’ouvre son profil, le parcours et je dois bien avouer que je tombe un peu sous le charme, ignorant bien entendu l’idée que comme moi, elle aurait pu mentir sur sa fiche. La machine à fantasme, mon cerveau, s’emballe alors un peu… Je prends donc le temps de lui répondre afin que telle la proie d’un requin, où qu’elle regarde, apparaît mon image.
Je me suis épaté, car il s’en est suivi un échange prolifique sur deux jours et l’élaboration d’un rendez-vous et me voilà chez Jeannette, moi attendant son coup de fil, car par soucis de préserver son anonymat jusqu’à notre rencontre, je fus le seul à lui fournir mon numéro. Nous avions donc convenu de nous retrouver près d’ici et elle devait m’appeler à partir de midi. En avance, comme à mon habitude, l’attente durait et je suis allé aux toilettes prenant soin d’emporter mon téléphone.
J’entre et vois les quelques gouttes qui traînent ici et là, mais mon enthousiasme ne peut être ébranlé. je vais donc pour essuyer les zones utiles, mais mon téléphone en main me gène. Je décide de le poser sur le rebord du rouleau de PQ, mais celui-ci étant penché, je me résous donc à le mettre dans la poche arrière de mon jean. Puis passe en mode nettoyage profitant des saintes écritures rédigées par les prophètes éthyliques sur les murs et les portes.
Jetant les derniers papiers finalement secs du fait du fabuleux travail de monsieur propre: bibi, je me retourne face à la porte et baisse mon pantalon, geste qui entraîne un glissement de mon portable hors de ma poche. C’est le bruit de son entrée dans l’eau, qui aurait valu un dix sur dix en triple salto arrière suivi d’un triple loops, qui me fit me retourner. D’un mouvement rapide, précis et leste je plonge ma main à sa poursuite, sens la présence des papiers s’enrouler sur ma main, l’humidité qui envahit ma manche à la vitesse des troupes Napoléoniennes fuyant la Russie.
Victorieux, je sors mon téléphone d’un lieu fort inapproprié pour lui-même et pense aux ingénieurs qui je l’espère ont prévu une étanchéité à l’immersion et cours pour le sécher. Le sèche main de la mort qui tue fait son office, mais le téléphone est mort… Satané ingénieur !
De retour chez moi, après avoir tourné quelques heures, j’ouvre l’ordinateur et un mot de sa part où elle m’explique que m’ayant attendu et après m’avoir laissé cinq messages sans réponses, elle s’est faite aborder par une autre personne et préfère que nous en restions là.
Je ferme le site et ouvre un blog pour lancer un appel aux parlementaires afin qu’ils élaborent une norme pour que chaque porte PQ ait un dessus plat avec une horizontalité contrôlée.
le 13 novembre, 2010 à 16 h 41 min