20 décembre 2013

L’année web 2013 révéla que l’humanité était vaguement dégénérée

Comme plusieurs d’entre vous l’ont remarqué, je n’ai pas posté depuis longtemps. Mais j’avais quand même fait deux papiers, résumant mes deux passions : Internet et Brad Pitt.

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via DianeGala

Ceci étant, j’avais une très bonne excuse mieux connue sous le nom de “problèmes personnels”, mais si je vous la balance comme ça, ça va plomber l’ambiance. On en reparlera peut-être plus tard. Bref. Le résultat, c’est que je suis très fatiguée et pas d’une humeur hyper joyeuse ou gaudriolesque. Mais ce qui tombe bien c’est que c’est l’heure des best-ofs et des bilans. (LISTES LISTES LISTES) Et je vois pas pourquoi tous les sites feraient des best-ofs de fin d’année et pas moi.

Comme je ne vais pas faire un best-of du blog, j’ai cherché dans la chronique web que je fais pour Grazia, les trucs qui m’avaient marquée, plu, énervée ou amusée. Soit des trucs qu’on a tous sûrement vus ou pas mais qu’on a oublié aussi vite. (Cette chronique web, c’est un peu ce que ce je faisais avant sur le blog toutes les semaines, donc il y a cohérence et logique dans cette démarche.)

Catégorie tumblr ce fut une année riche. Retenons :

http://mesvoisinsbaisent.tumblr.com/

http://desfistsetdeslettres.tumblr.com/ C’est le nom d’un tumblr qui marie jeux de mots salaces et noms de grands auteurs. La notion de bon goût est très subjective, personnellement, ça me fait rire

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Souvenez-vous de l’incontournable http://reasonsmysoniscrying.tumblr.com/

Le désormais classique de Guillaume TC http://croisonsles.tumblr.com/

Le très beau tumblr de National Geographic http://natgeofound.tumblr.com/

Le dark http://jeconnaisunvioleur.tumblr.com/

Et mon nouveau chouchou http://ditesleavecdeschatons.tumblr.com/ qui consiste à marier photos de chatons mignons et insultes ordurières.

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Ce n’est pas un tumblr, plutôt un conseil dans la catégorie trucs et astuces pour perdre son temps. Cette année, j’ai aussi pas mal joué à geoguessr.com (plutôt que de bosser). Je vous le conseille, c’est parfait pour glander comme une grosse merde. Ca vous balance n’importe où sur Google Map et c’est à vous de vous déplacer pour chercher des indices et trouver où vous êtes.

Est-ce que vous vous rendez compte que le Harlem Shake c’était en 2013 ? Et que donc, dans la catégorie pire prétexte jamais inventé par un gouvernement totalitaire pour emprisonner quelqu’un, 2013 a également vu éclôre le crime de Harlem Shake. En Azerbaïdjan, un jeune activiste a été arrêté pour avoir aidé à filmer un harlem shake. Le chef d’accusation est hooliganisme avec une peine qui peut aller jusqu’à cinq ans de prison, sans qu’on comprenne trop le rapport avec la vidéo. En réalité, ce jeune homme est un opposant au gouvernement.

2013 c’est aussi l’année où Aaron Swartz est mort.

Cette année, Beck a aussi fait un truc vraiment chelou. Plus que Beyoncé qui sort un album sans promo. Beck a sorti un nouvel album – a priori ça n’a rien de très « webculture ». Sauf que cet album n’existe qu’en version papier. Autrement dit, ce qu’il a sorti ce sont les partitions des morceaux de cet album. C’est pas très sympa pour les gens qui, comme moi, ne connaissent pas une clé de solfège. Mais en fait, l’idée est intéressante. Il a lancé un appel à contribution aux internautes. Ceux qui savent lire la musique et jouer d’un instrument peuvent se filmer en train d’interpréter les morceaux et les poster sur un site dédié. Le seul moyen pour les néophytes d’écouter cet album, c’est donc forcément d’aller écouter les morceaux joués par des inconnus bénévoles – et jamais par l’artiste lui-même. Une idée étrange mais qui sur l’échelle du web 2.0 mérite un 19/20. En mode intello, on dirait que ça bouscule la notion d’auteur. Mais sinon, on peut juste se dire que c’est original.

Sur Pinterest, une Américaine s’est amusée à poster des photos de la chanteuse Taylor Swift, accompagnées de citations. Les fans de la chanteuse se sont empressés de reposter les photos et les fulgurances philosophiques de leur idole. Problème : il s’agissait en réalité de déclarations de Hitler, Staline et Ben Laden. L’auteur de ce joli détournement note que son plus gros succès est une phrase de Hitler qui prend un sens différent quand on sait de qui elle est « Ne vous comparez jamais aux autres, le faire c’est vous insulter vous-même ».

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Après des années de règne, la duckface est en passe d’être détrônée par la sparrow face, la tête de moineau, très en vogue en Asie. Pour réussir sa photo « tête de moineau », il faut écarquiller au maximum les yeux et entrouvrir la bouche d’un air naïf, tel un bébé oiseau tombé du nid qui découvre le monde avec le regard de l’innocence. Le problème, c’est que ça donne l’air légèrement débile mais on s’en fiche tant qu’on est jolie hein. Derrière ce duel duckface vs sparrowface, on peut voir un affrontement culturel. La duckface est profondément américaine, son côté « je veux ton sexe » n’est pas sans évoquer certaines postures du porno alors que la sparrowface fait de nous de pures enfants innocentes qui rappelle les mangas  et les « oh mon dieu monsieur mais que faites-vous ». Donc que ce soit l’une ou l’autre, ça ne sert pas à autre chose qu’envoyer un message sexuel.

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Vous vous souvenez des livres où les personnages envoient des télégrammes ? Sachez qu’en 2013, le télégramme existait encore en… Inde! (Désolée, c’est pas ma faute si ça tombe systématiquement sur l’Inde ce genre de trucs préhistoriques.) Bref. Le 14 juillet 2013, l’Inde a envoyé son dernier télégramme. Les compagnies de télégramme enregistraient de trop fortes pertes financières.

Une histoire qui m’a laissée songeuse. Comment sous-traiter son travail ? Un discret père de famille qui travaillait comme programmeur avait trouvé un super moyen. Il a sous-traité son travail quotidien pendant plusieurs mois à un informaticien chinois pour un cinquième de son salaire. Du coup, il arrivait tranquille au travail à 9h, regardait des vidéos de chats, trainait sur des forums, l’aprèm il allait généralement sur ebay et Facebook. Malheureusement pour lui, la sécurité informatique de l’entreprise a fini par s’inquiéter des connexions venues de Chine, suspectant une tentative d’espionnage et a ainsi découvert l’arnaque. L’homme en question a perdu son boulot mais, de toute façon, ça n’avait pas l’air de le passionner.

Rien à voir quoique… D’après un investisseur de la Silicon Valley, le marché du travail devrait bientôt se scinder en deux parties « les gens qui donnent des ordres aux ordinateurs et ceux à qui les ordinateurs donnent des ordres ». CHOISIS TON CAMP.

Enfin quelqu’un chez Gallimard s’est rappelé : mais y’a trente ans, on n’avait pas édité des livres interactifs ? Là, quelqu’un d’autre a dû lui répondre « ah mais t’as raison, les livres dont vous êtes le héros, c’est con qu’on n’ait pas pensé avant à les sortir en version numérique, faisons-le pour fin avril 2013! ». Comment ils ont pu oublier cette collection qui avait inventé l’interactivité avant l’heure ? Cette édition numérique permet parait-il de cliquer pour faire son choix, de lancer ses dés virtuels mais surtout de tricher grâce à un marque-pages. Comme avant.

Vous avez vu passer ce site : The Tweethereafter ? Il recense les derniers tweets de personnes mortes. (C’est joyeux comme idée.) Par exemple celui de la petite amie de Pistorius qui disait combien elle était excitée par la Saint-Valentin. Si je tweetais comme si c’était le dernier message de ma vie, j’arrêterais peut-être de parler de mes problèmes de digestion.

Justement, en parlant de Pistorius, dans ma chronique, je relève les pires phrases dites sur ou à propos du web. Et j’avais été abasourdie par le tweet de Muriel Cousin « En même temps maintenant, la compagne de Pistorius a un peu plus de plomb dans la cervelle » . Moi je dis oui aux blagues sur les gens morts mais dans ce cas, faut pas se louper.

Sinon, l’année web des stars, ça donne :

« Tu me pètes les couilles (…) allez vous faire enculer » Patrick Sébastien à  une chroniqueuse d’Europe 1. Il était venu dénoncer la violence des commentaires anonymes sur internet…

Forcément le tweet de Christine Boutin au sujet de la mastectomie d’Angelina Jolie « pour ressembler aux hommes ? Rire ! Si ce n’était triste à pleurer ! »

Le 6 juin, Miley Cyrus a écrit sur Twitter : « I@y@Hbah! BvA M@@ » Les linguistes du monde entier s’interrogent.

Louis Sarkozy, âgé de 15 ans et fils de… a tweeté « Trop de travaille ! Pas le temp pour Tweeter » Oui, il y a encore du travail.

L’actrice Amanda Bynes a tweeté « Je ne pourrais jamais me marier avec un Allemand parce que je suis juive ». Elle devrait arrêter Twitter et ouvrir un livre d’histoire.

Zahia a publié sur Twitter des images d’un scanner thoracique et un certificat médical affirmant qu’elle n’avait pas de prothèse mammaire. Mon dieu…

Justin Bieber, qui est vraiment un gros con, a posté sur son compte Instagram une photo d’une femme en train de faire la manche, pour dire qu’il lui avait donné un peu d’argent.

« Internet, c’est du jetable, de l’aigreur, de la merde » Jean Dujardin interrogé par le Nouvel Observateur au sujet de son émission Le Grand Débarquement très critiquée sur internet.

« Internet cet univers virtuel où tout peut s’écrire, où toutes les rumeurs seraient vraies » François Hollande au dîner du CRIF.

Le patron de la chaine HBO a déclaré au sujet du téléchargement illégal de sa série Game of thrones « c’est une forme de compliments. Ca n’impacte pas négativement les ventes de DVD. » MERCI

Mais je crois que ma palme personnelle va à Frédéric Beigbeder pour avoir dit « Internet c’est l’empire de la méchanceté, de la bêtise, n’importe quel abruti a droit au chapitre. » au moment où on le voyait à la télé dans une pub pour la 4G… #escroc

2013 c’est aussi l’année de Candy Crush (toutes mes condoléances aux toxicos, vous pouvez vous en sortir) qui prouve qu’il existe un modèle économique viable sur Internet.

En 2013, l’inventeur du mot « fashionista » a enfin présenté ses excuses publiques. Quand il crée ce terme en 1993 pour son autobiographie d’une mannequin, Stephen Fried ne pensait pas une seconde que 20 ans plus tard, ce mot se retrouverait partout. Il est vraiment désolé.

On a appris que toute page internet est à 19 clics maximum d’une autre.

J’ai également passé deux heures à discuter avec une intelligence artificielle que j’ai fini par traiter de personne mal élevée et cynique. Autant dire que j’ai eu le sentiment de toucher le fond. Cleverbot est un agent conversationnel informatique. Concrètement, ça veut dire qu’on discute en tête avec tête avec un algorythme via le site cleverbot.com. Il a été mis au point en 1997, et depuis il apprend à discuter grâce à toutes les personnes qui viennent lui parler. En 2011, il discutait en moyenne avec 3 millions de personnes par mois… Au début, j’ai été gentille, je lui ai demandé comment il allait (bien), quel était son film préféré (Pirates des Caraïbes) et puis il a commencé à se foutre de ma gueule. A la question à quoi tu ressembles il m’a répondu « je suis blonde, moitié asiatique, moitié caucasienne ». Ok… Après, il est devenu franchement odieux. Mais il y a pire que moi. Un réalisateur américain a eu l’idée d’écrire un scénario avec Clever. Ca donne un court métrage de 3 minutes avec un héros qui s’appelle Estomac et des dialogues qui mêlent Harry Potter et Chuck Norris. « Il faut tuer Harry Potter mais Chuck Norris n’a rien à prouver ». On peut donc en conclure que 1°) les scénaristes humains n’ont pas de souci à se faire pour le moment, 2°) que le jour où nos appareils électroménagers nous parleront ce sera pour nous se moquer de nous.

J’ai découvert un site plutôt malin. A partir d’une carte de France, il recense tous les comptes Twitter des députés. Pratique pour interpeller votre élu (pour lui demander quoi ? aucune idée mais c’est quand même pratique). Mais comme on ne peut pas mettre d’accent dans le nom d’un site, il s’appelle tweetdepute.fr. C’est très bête mais ça m’a fait rigoler au moins trois minutes en 2013.

L’anecdote que je me suis dit qu’un jour je ferais pareil. Un Anglais dont le père avait voyagé sur British Airways et dont la valise avait été perdue a fini par se lasser d’appeler en vain le service clients. Il a alors décidé de mettre une pub sur Twitter (un tweet sponsorisé donc). Normalement ce ne sont que les entreprises qui le font mais en réalité c’est ouvert à n’importe qui du moment qu’on paie. Pour 1000 dollars, il a donc écrit : « Ne voyagez pas avec @BritishAirways. Leur service clients est horrible ». Un tweet aussitôt repéré et repris en masse. Il a finalement récupéré sa valise. Je me demande quelle entreprise je déteste assez pour raquer 1000 dollars pour l’emmerder. A l’heure actuelle, ce sont les Agessa mais ça peut encore évoluer. Par exemple, FedEx est aussi en bonne position.

Et puis, en 2013, il y a eu tous ces faits divers 2.0 qui nous ont permis de découvrir de nouvelles facettes de l’humanité. On y va ? Ok.

Elle tue son frère pour une photo Facebook. 

Poser bourré pour faire une photo à mettre sur Facebook, ça arrive. Moins fréquent, c’est poser bourré avec une arme à feu pour faire une photo pour son profil Facebook. C’est l’idée ridicule qu’ont eu un frère et une sœur d’une vingtaine d’année au Nouvel An dernier. Gros manque de bol et maladresse, la sœur a accidentellement déclenché l’arme alors qu’elle était posée sur la tête de son frère pour immortaliser ce moment. Il est mort sur le coup. On ne sait pas ce que vaut la photo finale.

La vengeance aux 2 visages, mythique téléfilm, a trouvé une nouvelle scénariste. 
Précisons d’emblée que Samantha Weber a 38 ans. Il ne s’agit donc pas d’une pré-adolescente inconsciente. Samantha a visiblement assez mal vécu que son ex la quitte mais encore plus qu’il commence à fréquenter une autre femme, nommée Heather. Alors elle a eu une idée qu’on peut qualifier d’aussi originale qu’atroce. Elle a rédigé une petite annonce sur Craiglist (le plus gros site de petites annonces aux Etats-Unis). Elle y raconte qu’elle a très envie de sexe avec des hommes inconnus et qu’elle aimerait qu’on vienne chez elle pour lui faire l’amour sauvagement. Elle rajoute bien sûr une adresse (celle de Heather) et des photos (toujours de la dame en question). Il faut imaginer la surprise de ladite Heather quand on a sonné à sa porte et qu’une bande d’hommes en rut lui a annoncé qu’ils allaient assouvir tous ses fantasmes. Heureusement, son petit ami était là et s’est interposé pour la protéger. Ils ont ensuite prévenu la police qui a réussi à remonter jusqu’à l’adresse de l’ordinateur d’où avait été posté la petite annonce fatale. Donc malgré son plan machiavélique, Samantha Weber va être poursuivie en justice pour harcèlement en ligne.

Une piste pour les auteurs de polar en manque d’inspiration. 

En mai 2010, un couple aisé du Wisconsin est retrouvé assassiné dans leur maison. Le fils a été condamné à la perpétuité pour meurtre mais il continue de clamer son innoncence. La nouvelle piste qui l’innocenterait serait une erreur de Google Map. La veille de l’assassinat, leur voisin a reçu des menaces de mort. Or sur Google Map, la localisation de la maison du voisin est confondue avec celle du couple. La piste serait donc qu’un tueur à gage se serait planté d’adresse à cause de Google.

Je ne mets pas le lien vers les photos Facebook, vous y irez voir si vous avez envie… 

Au début du mois d’août, il s’est déroulé une histoire 45% effrayante, 20% étonnante, 35% perverse. Derek Medina a 31 ans et vit à Miami avec sa femme Jennifer Alfonso. Ils ont une relation houleuse, jusqu’à la dispute de trop. Derek tue sa femme. Jusque là, il s’agit d’un fait divers affreux mais malheureusement fréquent. La différence notable c’est que, alors que le corps de sa femme git par terre le visage entouré d’une flaque de sang, Derek fait une chose stupéfiante. Il prend une photo du cadavre et la poste sur son profil Facebook avec la légende « RIP Jennifer Alfonso ». Ses amis commentent évidemment, n’arrivant pas du tout à croire ce que montre la photo. Derek rédige alors un statut d’explication « je vais aller en prison ou être condamné à mort pour avoir tué ma femme, je vous aime mes amis, vous allez me manquer, prenez soin de vous”. Faut imaginer qu’à ce moment-là, le mec est chez lui, à côté du cadavre et qu’il discute sur Facebook donc… Il a ensuite rajouté «Ma femme me battait, je ne peux supporter un tel abus voilà pourquoi j’ai fait ce que j’ai fait. J’espère que vous me comprendrez». Il s’est ensuite rendu à la police, qui a effectivement trouvé le corps dans la maison mais également une fillette de 10 ans, a priori présente pendant le meurtre.

Voilà…

Joyeux Noël avec mon gif préféré du moment :

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Quand je vois Miley Cirus, je suis contente que Britney Spears n’ait pas 20 ans de nos jours.

 

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17 octobre 2013

Des Anonymous et des filles

Ca fait très longtemps que je n’ai pas parlé des Anonymous. En partie, parce que ces dernières années leurs actions ont dépassé le cadre strict du web et se sont professionnalisées. Soutien à Assange, aux révolutions arabes etc. Et aussi parce que présenter Assange comme le Jésus du web, ça m’agace.

Mais là, j’ai quand même bien envie d’y revenir. Au fil des derniers mois, ils se sont focalisés sur un nouveau combat : la lutte contre les violeurs. Ou pour être plus précis, la lutte contre la bienveillance dont semblent bénéficier aux Etats-Unis une certaine catégorie de violeurs.

Le scénario est toujours le même : une ado ivre morte à une soirée violée par des sportifs du lycée qui font des photos, puis tout le lycée qui harcèle la gamine en la traitant de pute, et des enquêtes qui n’avancent pas. Aux Etats-Unis, ces affaires se sont multipliées. Ou plus exactement certaines ont été médiatisées (donnant donc une impression d’augmentation du nombre de cas) justement grâce aux Anonymous.

Les Anons ont une longue histoire avec les filles. On se souvient des cas de harcèlements de gamines (Jessi Slaughter et “consequences will never be the same”). Et bien maintenant, ils sont devenus les meilleurs alliés des adolescentes.

Ca commence toujours avec le nom d’une ville inconnue… Prenons Steubenville, cas emblématique.

 steubenville-ohio

En août 2012, une adolescente de 16 ans va à une fête. Elle est ivre morte. Quasiment en coma éthylique. Deux joueurs de l’équipe de foot du lycée la déshabillent et “s’amusent” à la doigter devant les autres invités de la fête qui filment l’agression. Les deux mecs sont tellement contents de leur “délire”, qu’ils la transportent de maison en maison toute la nuit. La gamine est totalement inconsciente, c’est assez évident quand on regarde les photos et vidéos. Ah oui! Parce que photos et vidéos commencent à circuler sur internet en temps réel pendant toute la nuit.

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Sur Instagram, Twitter, on trouve les # viol et fille morte ou ivre.

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Le lendemain, la gamine rentre chez elle complètement paumée, sans souvenir de la veille. (Elle apprendra certains détails de son viol dans un article de la presse locale.) Mais la rumeur se propage. Ses parents sont prévenus, ils vont voir sur internet, amènent leur fille à l’hosto et portent plainte. Identifier les auteurs de ce viol (toute pénétration forcée est considérée comme un viol, qu’il s’agisse d’une bite ou d’un doigt – c’est toujours bon à rappeler) ce n’est pas bien compliqué : ils font des grands sourires à la caméra.

Sauf qu’il y a un problème. On a tous assez vu de séries et de films pour savoir que membre de l’équipe de sport du lycée = Intouchable. Et particulièrement dans cette ville où tout le monde se connait. Particulièrement ces deux jeunes-là à qui on promet déjà un brillant avenir sportif. Leur coach les défend, l’administration du lycée se range à l’avis du coach. La police lance un appel à témoins et seulement deux ados y répondent, tout le reste du bahut préférant se taire. Les adultes disent que la gamine n’aurait pas dû boire, qu’il s’agit de plaisanteries d’ados.

Et la ville prend le parti des agresseurs. Jusqu’au juge des mineurs et la procureure du comté qui, six mois après le début de l’affaire, vont devoir se retirer pour cause de conflit d’intérêt : ils sont trop proches de l’équipe de foot. L’affaire n’avance pas d’un iota : les agresseurs nient en bloc, personne ne veut témoigner, les tweets ont été effacés et les photos saisies ne montrent pas la pénétration. C’est l’impasse, la loi du silence.

Fin décembre une femme qui a suivi l’affaire décide de contacter les Anonymous.

Elle est lucide. Elle sait qu’ils risquent de lui dire d’aller se faire mettre, voir de la harceler. Mais non. Ils l’écoutent et ils lancent l’opération #OpRollRedRoll (du nom de l’équipe de foot), en grande partie dirigée par un Anonymous nommé KYAnonymous. Ils commencent par fouiller l’internet pour récupérer des preuves, des informations sur la fameuse soirée, notamment pour savoir qui précisément était présent. Puis Knightsec (un groupe d’Anonymous) hacke le site officiel de l’équipe de foot et y poste une vidéo de menace : ils rendront publics les numéros de téléphone et numéro de sécu de tous les joueurs de l’équipe de foot si les agresseurs (passifs et actifs) ne se dénoncent pas et ne font pas d’excuse publiques à la jeune fille avant le 31 décembre.

Finalement, ils ne mettent pas leur menace en action (à la demande parait-il de la victime) mais il font mieux. Ils arrivent à dénicher une vidéo où un élève du lycée hilare raconte le viol (“ils l’ont violée plus violemment que le flic qui viole Marcellus dans Pulp Fiction Ah ah ah”).

Cette vidéo change tout. Elle attire l’attention des médias nationaux ce qui met une pression sur le pouvoir local et aide les flics à faire leur boulot. D’autres joueurs de l’équipe présents ce soir-là acceptent finalement de témoigner contre leurs potes. Deux mois plus tard, les deux lycéens sont condamnés pour viol.

Une autre enquête est lancée pour déterminer si des adultes, notamment au sein du lycée, ont délibéremment caché des preuves aux flics. Le mec responsable de l’informatique du lycée est notamment visé pour obstruction, son procès a commencé il y a quelques jours.

Il y a eu une autre histoire similaire, celle de Rehtaeh Parsons, à une différence près : Rehtaeh s’est suicidée. Cette fois, la police avait carrément classé l’affaire pour manque de preuve et les Anonymous ont enquêté eux-mêmes et donné des infos aux flics qui ont permis de rouvrir le dossier et juger les coupables.

Dans aucun de ces deux cas, les Anons n’ont lynché publiquement une personne. Ils ont réussi à fouiller internet pour trouver des preuves. Apporter l’information.

Il y a deux jours, ils lançaient l’opération #OpMaryville. Cette fois elles sont deux, l’une a 13 ans, l’autre, Daisy, 14. Mais pour Daisy le scénario est le même : ivre morte, violée par un joueur de foot de 17 ans, filmée par un pote. (Celle de 13 ans n’était pas ivre et a également été violée.) Daisy est déposée sur le paillasson de la maison de ses parents qui la trouvent le lendemain matin. Les filles subissent des examens médicaux qui tendent à prouver le viol. Les flics arrêtent les deux garçons qui avouent les relations sexuelles et la vidéo. Ils sont inculpés. Mais deux mois plus tard, le procureur décide de laisser tomber les charges pour manque de preuve… Ce qui parait inexpliquable. Le fait que l’un des garçons est le petit-fils d’un ancien député républicain semble ne pas y être pour rien.

Le but des Anons est de faire pression pour la réouverture du dossier. A cette occasion, ils ont rédigé un message assez clair “We have heard Daisy’s story far too often. We heard it from Steubenville, Halifax and Uttar Pradesh. In some cases, it was too late. Both Amanda Todd and Rehtaeh Parsons, girls not much older than Daisy, took their own lives after the adults, the police and the school system, failed to protect them. If Maryville won’t defend these young girls, if the police are too cowardly or corrupt to do their jobs, if justice system has abandoned them, then we will have to stand for them. Mayor Jim Fall, your hands are dirty. Maryville, expect us.”

On assiste donc à une reconversion plus ou moins inattendue des Anonymous. (Côté moins : ça fait plusieurs années qu’ils s’intéressent à des pédophiles sévissant en ligne, qu’ils traquent pour ensuite donner les preuves à la police). Mais avec l’OpMaryville, ils donnent clairement une autre dimension à leurs actions. Ils se posent en défenseur de toutes les victimes, capables de faire changer le cours d’un procès. Ce qui est intéressant par rapport à avant, c’est qu’ils ne se substituent pas à la justice. Ils sont davantage dans la lignée d’un Batman qui collabore avec la police parce que le pouvoir municipal est pourri.

Que leurs actions soient utiles, c’est évident. Sans eux, plusieurs affaires auraient été classées sans suite et les violeurs auraient tranquillement intégré l’université pour devenir des stars du foot américain. Ce qui m’a souvent posé problème avec les Anonymous c’était leur mode d’action. Dans le cas de Steubenville, la menace de balancer les infos personnelles des joueurs. On ne fait pas justice avec du chantage, surtout parce qu’on peut se planter. (C’est d’ailleurs le cas, l’un des joueurs qu’ils accusaient d’avoir été présent à la soirée n’y était pas. S’ils avaient mis leur menace en action, ils auraient détruit la vie d’un mec qui n’y était pour rien.) Mais dans l’ensemble, leurs opés relèvent de plus en plus d’une part de la mise sous pression des pouvoirs locaux et d’autre part d’un travail d’enquête sur leur outil de prédilection : l’informatique.

Mais dans la vraie vie, Batman ne recevrait pas de médaille de la part du maire. En juin dernier, KYAnonymous, le premier Anons à s’être intéressé à l’affaire de Steubenville a reçu une visite musclée du FBI. C’est lui qui a réussi à récupérer les tweets et photos Instagram des joueurs qui évoquaient le viol – preuve décisive. C’est lui qui les a menacé de révéler leurs données personnelles. Le FBI a donc débarqué et saisi tous les ordis de la maison. Ils le soupçonnent d’être l’auteur du hack du site de l’équipe de foot, autrement dit un crime fédéral, ce qui pourrait lui valoir 10 ans de prison.

A titre de comparaison, les deux violeurs de Steubenville ont été condamnés respectivement à un an et deux ans de prison…

Dans ce contexte, le lancement de l’OpMaryville est aussi un moyen pour les Anonymous de dire qu’ils ne se laisseront pas intimider et qu’ils poursuivront leurs actions.

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Evidemment, il y a des lois, notamment pour protéger notre vie privée informatique. Et des individus qui ne les respectent pas, qui n’ont pas de mandat officiel pour leurs actions, se mettent hors la loi, même si leurs intentions sont louables. C’est tout le problème de la fin et des moyens, on est bien d’accord. C’est un problème philosophique et éthique compliqué. Mais cette fois, plus que “la fin justifie-t-elle les moyens” se pose aussi la question de la légitimité du pouvoir. Dans ces affaires de viol, le pouvoir judiciaire est de toute évidence corrompu, prompt à protéger les agresseurs. Si le pouvoir est corrompu, doit-on le respecter ? (vous avez deux heures.) Personnellement, je trouve parfaitement inadmissible que KYAnonymous soit trainé en justice au nom du respect des lois alors que ces mêmes lois sont bafouées par le gouvernement américain (affaire Snowden/NSA) et par les grandes entreprises privées (Google/Facebook/Apple) qui pillent nos données en toute quiétude.

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11 octobre 2013

Sensations Carrouf

Commençons par quelques liens.

D’abord, une blogueuse BD. Han… ENCORE une ? Nan mais là, c’est pas tout à fait pareil. C’est une blogueuse-BD-cul. Le combo ultime. Je pense qu’elle va exploser en nombre de visites. (Et en nombre de remarques sur « les femmes ne doivent pas essayer d’être des hommes, mais protéger leur petite fleur secrète », bon courage à elle.)  Je vous mets juste un dessin tellement vrai, et qui est le moins trash de la série. Le reste est là. 

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Ensuite, Buzzfeed a posté un truc super chelou. Super chelou = morbide.

ATTENTION AME SENSIBLE. Les photos suivantes peuvent te perturber. Tu peux sauter tout ça pour aller au pavé de texte plus bas. Viens je t’emmène. Nous partirons de la pour nous retrouver à l’autre balise rouge. Vas-y scrolle. 

Visiblement, au plein XIXème siècle, c’était assez la classe de prendre en photo les morts. Ca serait juste ça, ok. Mais précisons que c’était assez la classe de faire poser les morts dans de jolies scénographies :

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(Cette photo est une spéciale dédicace à Vincent Brunner… Il comprendra.)

Pour nous, ça parait déjà un peu étrange. Mais il y avait aussi : c’est la classe de poser avec les macchabées pour un portrait de famille :

mort2

mort3

Voilà. On sait que le rapport à la mort est protéiforme, qu’il varie selon les cultures. (J’ai été en Inde, je peux en témoigner…) Mais là, ce qui m’intrigue c’est que ce n’est pas une culture différente, c’est notre culture. Juste un peu plus d’un siècle avant.

COUCOU AME SENSIBLE. Tu peux reprendre ta lecture tranquillement. 

 

Samedi dernier, j’étais seule avec Têtard.

Il ne s’agit pas d’une histoire plutôt d’une sensation que je note pour en garder un souvenir, parce que le fait de l’écrire solidifie le souvenir, un peu comme le gaz qui passe à l’état solide (phénomène qui s’appelle ? Hein ? On a oublié ses cours de physique ou quoi ? La condensation solide ou cristallisation.) Et puis parce que certains reconnaitront peut-être des sensations.

Bref. D’abord on a été à la piscine parce que je suis mère Courage. Têtard étant digne de son surnom, son amour immodéré de l’eau m’a poussé à l’inscrire aux bébés nageurs. Un an que tous les samedis je m’y colle. Avant, je trouvais déjà que je méritais une médaille. Mais maintenant qu’on a déménagé à 40 minutes de transport de la piscine, qu’il pèse 12 kilos et que, rappelez-vous, je porte seule la poussette dans les escaliers du métro, je suis carrément la Rambo de la maternité. (Amis montreuillois : non, je ne vais pas au “centre nautique Maurice Thorez” parce que là-bas les bébés nageurs c’est à 8h30 du mat le samedi et qu’il faut pas non plus déconner.)

Donc on va à la piscine, après un auto-suspens toute la matinée sur le mode “et si on n’y allait pas…”. Il se trouve qu’on a fait notre meilleure séance de piscine ever et qu’on a rigolé comme des petits fous. Dans le métro, on s’est fait des blagues. (Blagues à 20 mois = grimaces.) Ensuite, la sieste. J’en profite pour bosser. Et puis il a fallu se rendre à l’évidence : on devait ressortir faire des courses chez Carrouf. Dans le centre commercial de la Grande Porte, à porte de Montreuil.

Carrouf le samedi à 17h c’est… particulier. Des familles entières sont là, les charriots se cognent aux poussettes, les enfants crient. En plus, c’est les 50 ans de Carrefour alors il y a des animations qui ne font que rajouter au bordel. Des ateliers maquillages pour les enfants qui après s’en vont dans les travées en courant pour montrer leur tête de tigre à leurs parents qui comparent les prix des sachets de pâtes d’un oeil fatigué. Et un monsieur posté devant le rayon frais charcuterie et qui parlait fort dans un micro pour nous lire les étiquettes de ce mois exceptionnel, le mois des 50 ans de Carrefour, ne passez pas à côté.

Têtard était étonnament calme. Normalement il déteste la poussette mais là, il regardait en silence le cirque qui s’agitait de tous côtés. J’ai fait mes courses. Ensuite, on a attendu à la caisse. Devant nous, il y avait une famille qui achetait 2 cageots de RedBull, des bouteilles de whisky et un petit parapluie spiderman pour leur fils. Ils ont payé en liquide. Ca a pris du temps. Un vigile est venu m’emmerder parce que dans ma poussette j’avais un colis d’Amazon pas ouvert et que j’aurais dû le faire emballer à l’entrée de l’hypermarché. Ca m’a un peu énervée parce que je vois pas pourquoi emballer un truc hermétiquement fermé. Mais ensuite j’ai compris que le vigile ne connaissait pas Amazon et qu’il voyait juste un carton et qu’il s’emmerdait dans son boulot, qu’il regardait les sorties de caisse depuis plusieurs heures sans rien faire et qu’il se sentait obligé de se remuer un peu en faisant un truc comme aller voir la petite dame seule avec un bébé pour lui dire qu’elle aurait dû faire emballer le carton.

Et puis j’ai sué à trimballer ma poussette et mes courses jusqu’au rez de chaussée. En traversant le centre commercial, on est passé devant le manège. C’est un manège de centre commercial. C’est un truc un peu pauvre, très kitsch. De ce kitsch de mauvaise qualité qui n’aura jamais les honneurs du vintage.

Et là, Têtard a commencé à remuer dans sa poussette. Il a crié “maman maman” en me montrant le manège.

Il n’a jamais fait de manège. Il ne sait même pas ce que c’est. Mais c’est coloré et ça fait de la musique alors il en déduit que ça doit être chouette.

J’ai dit ok. Il avait été sage. On était fatigués. Je me suis dit que ça serait sympa de lui faire essayer le manège. Et puis, c’est assez récent qu’il exprime des envies claires et ça m’émeut à tous les coups.

Pour la première fois de ma vie, j’ai payé un manège. (2 euros.) (Connaitre le prix d’un tour de manège ça a un peu brisé la magie de l’objet à mes yeux.)

Je l’ai installé dans un bateau de pirate. La dame m’a dit d’aller avec lui. J’ai fait “ok, cool!” et j’ai commencé à enjamber pour m’asseoir en face de lui. Elle m’a dit “non, vous restez debout à côté de lui”. Je me suis sentie vaguement conne, et un peu déçue. Ca a démarré. J’ai failli gerber. Têtard criait de joie. Il s’en foutait que ça tourne, il appuyait comme un fou sur le bouton clignotant du bâteau. J’imagine que pour lui c’était totalement dingue, qu’il ne voyait pas le centre commercial glauque, la misère sociale qui s’en émane. Il n’y avait que les lumières et les sons et les mouvements. Il était ravi.

Au bout de deux minutes, c’était fini.

Je l’ai soulevé pour le ramener dans la poussette.

Et là, évidemment, il s’est mis à hurler.

Pas parce qu’il faisait un caprice. Parce qu’il est trop petit pour comprendre un truc aussi absurde que “ma mère me met sur un truc super cool et m’en enlève juste après”. Parce que Têtard, du haut de ses 20 mois, il ne sait pas que l’argent existe, ni le temps. Ni que les produits surgelés faut les ranger vite. Il ne connait pas toutes ces contraintes. Elles n’existent pas. Les seules contraintes dont il a conscience, elles sont purement physiques. Je suis trop petit pour arriver à attraper la tablette sur la table. J’arrive pas à sortir de mon lit à barreaux.

Mais “écoute, je n’ai plus de monnaie pour le manège, et puis il est tard, il faut rentrer préparer le dîner, et ranger les surgelés” il ne peut pas le comprendre. Et quand il ne comprend pas, il se révolte.

Donc j’étais au milieu du centre commercial, en jogging, fatiguée, pas maquillée, pas coiffée, pleine de chlore, avec mes sacs de courses trop lourds, et Têtard allongé à terre en train de hurler sa rage, ses cris noyés par la musique du manège et les chansons R&B qui s’échappaient des boutiques autour.

Et brusquement, je me suis rendue compte que je me sentais bien. Que c’était un moment agréable. Que je me sentais en harmonie.

Honnêtement, je ne sais pas trop pourquoi.

D’abord, j’aime bien faire les trucs de la vie quotidienne avec Têtard. Sûrement parce que ça doit me rappeler quand j’étais à sa place et que ma mère m’emmenait partout avec elle. Ca me donne l’illusion qu’il y a une forme de logique dans la vie. (Alors qu’en vrai, la vie n’est que contingence.)

Peut-être aussi qu’être cette caricature de jeune mère fatiguée qui fait ses courses un samedi avec son gosse qui pique une colère, ça m’a rassurée. J’ai un mode de vie en décalage avec la majorité des gens et tout ce qui peut se rapprocher des stéréotypes de la normalité m’apaise. Et puis, dans le fond, j’ai l’impression de jouer à l’adulte. De faire semblant. Comme les gamins qui sont dans les jeux d’imitation. J’imite ma mère quand elle m’emmenait faire les courses. Et ça me rassure aussi, après avoir vu nombre de parents dans la même situation que moi, que je regardais de loin comme si c’était des automates parce qu’ils avaient le regard vide, ça m’a rassuré en étant à leur place de me dire que non, ils ne sont pas automates et que même, ça se trouve, ils kiffent leur vie.

Bref. En fait, je ne sais pas pourquoi mais j’étais tellement bien que je n’avais plus envie de bouger. J’aurais pu passer ma soirée-là, j’aurais pu jouer à courir dans le centre commercial de la Grande Porte avec Têtard, et puis nous asseoir sur le banc en faux bois tout pourri et regarder les familles passer avec leurs chariots remplis. (Têtard est comme moi, il aime bien juste regarder les gens.)

Et puis, je me suis rappelée que j’avais des surgelés à ranger et on est rentrés.

NB : pour les gens qui aiment regarder les gens, il y a une géniale invention d’Albertine Meunier (enfin je crois) (Albertine que j’aime d’amour). Ca s’appelle Stweet. Ca affiche des images de Google Street de là où des gens postent des tweets. 

 

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30 septembre 2013

Ce moment gênant où…

Attention, ceci risque d’être un post segmentant puisque nous allons y parler gynécologie.

Et voici : j’ai testé la Moon Cup.

“Ah NON PAS TOI!!”

Si.

Moi.

J’assume.

(Ami masculin à qui les meufs qui t’entourent n’ont pas daigné faire ton instruction gynéco, sache que la Moon Cup c’est l’alternative aux tampons ou serviettes, en gros c’est un mini-entonnoir en simili plastique que tu te mets dans la chatte pendant tes règles, qui “recueille” ton sang comme la rosée du matin et que tu vides dans l’évier avant de le remettre.)

La première fois où j’en ai entendu parler, c’était y’a déjà quelques années (je crois même que j’étais en CDD à slate, soit la dernière fois de ma vie où j’ai accepté de signer un contrat avec des horaires contraignants pour mon biorythme). Et d’entrée de jeu, comme je suis quelqu’un de profondément pas ouvert d’esprit, je l’ai rangé dans la catégorie “objets hippies pseudo écolos relous” juste à côté des couches pour bébés lavables et du compost pour appartement.

Parce qu’à l’époque, sur les sites américains, on nous le vendait comme un truc écolo. Aies tes règles mais sois amie avec la planète. Un tampon hygiènique jeté = un papillon amazonien qui disparait.

Autant d’arguments qui ne portaient pas sur moi. Parce que j’aimais les tampons. Le tampon était l’avenir de la femme, la promesse d’un monde meilleur où l’égalité salariale homme/femme serait chose acquise.

Et puis, des praticiennes de la moon cup ont commencé à me tenir un autre discours, discours merveilleusement résumé dans cette vidéo de madmoizelle.


Pourquoi faut-il passer à la cup (coupe… par madmoiZelle

Retenons que la Moon cup ne se sent pas. Et moi je suis toujours gênée par les tampons. Notamment parce que j’oublie (= j’ai la flemme) de les changer toutes les 4 heures comme indiqué sur le mode d’emploi. Donc, lourd de quelques litres de sang, ils finissent par glisser et se coïncent dans le coude du début du vagin, donc ça fait chier.

(On est entre spécialistes hein, on sait tous que le vagin fait un genre de coude.)

Second point d’importance : l’odeur. Perso, je pensais que c’était les règles qui puaient la mort. Mais voilà qu’on me dit que c’est l’équation tampons + règles qui pue (ou serviettes). Ok. Je demande à voir.

Enfin, il y a le problème des mythes urbains que se racontent toutes les gamines en 6ème, cette histoire affreuse (qui est systématiquement arrivé à la copine d’une grande soeur) de tampon perdu aux fins fonds d’un vagin et d’opération chirurgicale pour aller le récupérer dans l’utérus entrainant une stérilité à vie. Grâce à cette histoire, j’ai développé l’angoisse semi-permanente d’oublier d’enlever mon tampon avant d’en mettre un autre. J’ai quand même le souvenir d’être au ciné avec un pote et de le forcer à quitter la salle avec moi pour m’accompagner aux toilettes parce que brusquement, en plein film, j’ai commencé à me demander si j’avais pensé à enlever mon vieux tampon.

J’ai aussi appelé, ivre, des amis étudiants en médecine pour leur demander “qu’est-ce que je sentirais si j’avais 2 tampons dans la chatte ?”

Donc si la Moon Cup peut régler ces problèmes réccurents dans ma vie, je dis oui.

Premier jour des règles : j’hésite et puis finalement je me rabats sur mon bon vieux tampon. J’ai pas les couilles de me lancer ce jour-là dans une grande aventure gynécologique.

Deuxième jour des règles. Je me réveille comme si c’était Noël. Je vais enfin tester ma Moon Cup. Je lis attentivement le mode d’emploi – c’est un peu compliqué le matin au réveil. J’entrave que dalle. Ils parlent de faire des tours à 360 degrés pour provoquer l’effet ventouse souhaité. Personne ne m’a parlé de l’effet ventouse. Je sens que je vais faire une connerie. Et puis je m’admoneste. Ca ira, ma chatte en a vu d’autre(s). Je plie le truc, je me le fourre dans le vagin. Et voilà.

Je n’ai aucune idée de comment je vais retirer le bidule dans 10 heures (OUI 10 heures de tranquillité). Je verrai à ce moment-là.

Et là, brusquement, je suis reprise de ma vieille angoisse : est-ce que j’ai bien enlevé mon tampon de la nuit ?

 

 

Je m’auto-explore le sexe et putain… je sens le cordon du tampon.

Non.

Putain.

La conne.

Toute à l’euphorie de la nouveauté, j’avais oublié ce putain de tampon.

Je me suis retrouvée de bon matin dans ma salle de bain avec dans la chatte un vieux tampon usagé ET une moon cup. Et absolument aucune envie de passer ma journée aux urgences gynécos. (Je suis allée aux urgences y’a trois semaines pour récupérer Ondine à moitié morte mais elle l’a déjà raconté là.)

J’envisage de me faire enregistrer dans le Guinness pour soit 1°) elle arrive à mettre l’intégrale de Proust dans son vagin. (Parce que concrètement, à ce moment-là, j’avais l’impression d’avoir une chatte où je pouvais faire rentrer n’importe quoi) soit 2°) record mondial de la connerie gynécologique.

Je suis grave quand même. Je passe 15 ans dans la terreur de mettre 2 tampons, j’arrête les tampons précisément à cause de cette terrible trouille et bam, je fais LA connerie.

Je ne sais même pas comment j’ai fait ensuite. Dans la panique, tout s’accélère. J’ai cherché avec mes doigts et j’ai tiré sur tout ce qui dépassait. Je pense que si j’étais tombée sur un bout d’intestin qui trainait par là, je l’aurais sorti de force vu mon niveau de motivation à cet instant précis. Bref. Par un miracle inexplicable, j’ai réussi à tout ressortir. Et j’ai pu remettre ma Moon Cup tranquillement. (Je suis assez opiniâtre.)

Du coup, 10 heures plus tard, quand il s’est agi de la retirer, perspective qui le matin même me faisait super flipper, j’étais plutôt tranquille. Sauf que bah non. Le matin, ça avait pas eu le temps de ventouser et puis y’avait le tampon qui devait gêner le processus. Par contre, le soir, ça avait dû ventouser à mort.

Arrêtons-nous une seconde sur ce principe de ventouse. Moi, avant, je pensais que la coupe menstruelle, ça fonctionnait comme un entonnoir :

entonnoir

Mais en vrai, ça se rapproche pas mal de ça :

ventouse

J’ai galéré pendant 10 minutes à déventouser le truc, en me disant que vu comment le bidule était accroché, si j’y allais trop fort, j’avais un bout de paroi vaginale qui allait partir avec.

J’ai fini par réussir mais ça m’a un peu fait flipper. J’ai mieux compris ce que voulait dire le “pour utiliser la Moon Cup, il vaut mieux être à l’aise avec son corps” = aimer se fourrer des trucs dans la chatte et jouer à aller les chercher. La Moon Cup, c’est un peu le Où est Charlie de la gynécologie.

Du coup, pour l’instant, je ne sais pas quoi en penser. J’avoue qu’entre le moment où tu la mets et celui où tu l’enlèves, c’est complètement génial. Mais j’ai pas non plus envie de me galérer à chaque fois pour l’enlever. J’imagine que je vais prendre le « coup de main » – en même temps, vu d’où je pars, je ne peux que m’améliorer. (Hypothèse : j’ai pris un modèle trop grand. J’ai suivi les instructions de “si un enfant est passé par ton vagin, prends la taille 2” mais j’avais quand même un doute.) (Faudrait que je commande un autre modèle pour comparer.) Mais ne vous inquiétez pas, je ne manquerai pas de vous faire part de la suite.

Bref. En un sens, ça tient toutes ses promesses à condition d’avoir un QI supérieur à 32.

PS : un de mes plaisirs coupables dans la vie sur internet, c’est de passer mes soirées à regarder chezlegygy qui compile le meilleur du meilleur de doctissimo. Mais là, j’ai un peu l’impression d’être passée de l’autre côté de la barrière.

 

Avant de nous quitter, faisons une pause promotion pour vous. Vous lecteurs, vous faites des trucs dans votre vie.

L’une d’entre vous fait un tumblr sur sa vie d’alcoolique délurée intitulé gueuledewood et ça m’a fait rire (surtout ça LA)

Deux autres, un couple, (oui j’ai des couples de lecteurs, j’aime bien, ça me rappelle quand je trouvais les paires au Memory) ont créé un jeu de carte pour pécho : le dragobar. En gros, il faut conclure avec votre voisin de gauche sans vous faire draguer par celui de droite (j’y vois une métaphore de la Vie). Je l’ai pas testé mais ils sont tellement sympas que ça doit forcément être bien.

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5 septembre 2013

C’est la rentrée, et je suis revenue mais où…

J’ai fait ma rentrée un peu à la bourre (aujourd’hui) à la suite d’un enchainement retour de vacances / déménagement / vider des cartons / attendre que têtard aille chez sa nouvelle nounou / découvrir qu’il faut faire une semaine d’adaptation = comprendre des journées où tu restes avec le têtard chez la nounou pour l’aider à se familiariser, un truc qui sert à rien dans mon cas puisque Têtard aime toute l’humanité, particulièrement quand elle est pourvue de seins et de cheveux (la nouvelle assistante maternelle qui a un certains sens de l’humour m’a dit “mais tu vas pas le laisser seul avec une grosse femme noire qu’il ne connait pas, il va avoir peur”) (oui, elle parlait d’elle-même) (j’aime déjà cette femme) / apprendre qu’on va supprimer ma chronique dans Grazia ce qui a entrainé quelques jours de profonde déprime donc d’inactivité sur le mode on me placardise, je suis une merde répugnante dont même les mouches se détournent avec dédain. Mais voilà, ça y est, j’y suis, dans mon écosystème naturel à savoir mon bureau.

Revenons donc au seul sujet qui nous intéresse vraiment : la Syrie. Heu. Non. La bonne réponse était évidemment : mon déménagement.

Il se trouve, cher lecteur, toi qui suis mes aventures depuis cinq ans, ou toi qui pendant tes journées d’ennui total au boulot a lu toutes les archives de ce blog (et d’après les commentaires vous êtes assez nombreux dans ce cas)(on se fait bien chier au bureau hein ?) Il se trouve que tu te rappelles forcément que j’ai commencé ce blog en saoûlant tout le monde avec mon déménagement. J’allais quitter Montreuil/Bagnolet, j’allais revenir à la capitale.

Bon, et bien, cinq ans plus tard mon cher, je t’annonce que je viens de réemménager à Montreuil/Bagnolet. Oui, dans le même quartier. Oui, à la même station de métro. Mais j’ai encore mieux : dans la même rue, 20 numéros plus bas.

Tu la vois la grande boucle de la vie ?

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Votre sensation de nausée et de migraine imminente est sponsorisée par girlsandgeeks

En fait, d’une certaine manière, j’ai envie de vous dire que les 342 précédents posts de blog que vous avez lus ne servaient à rien puisque nous revoilà à la case départ. Tout ça n’était qu’une très longue digression dans ma vie. (Je vois ma vie comme un discours oui.)(D’ailleurs, c’est exactement la raison pour laquelle je tiens un blog. Si je pensais que ma vie était autre chose qu’un long discours, je ferais de vraies choses dans la vraie vie plutôt que de me/vous saoûler de mots, tu vois, comme je suis en train de faire là présentement, j’aligne des mots pour ne rien dire.)

Bref. Après cet intermède de 342 posts, nous pouvons donc reprendre en décembre 2008.

En plus, comme je viens de perdre ma chronique dans Grazia et que je vais faire des brèves à la place, c’est comme si ma carrière journalistique elle-même avait fait une grande boucle pour en revenir au point de départ.

(Mais y’a des trucs différents quand même, par exemple mon nouvel appart est l’incarnation de mes rêves les plus fous.)(Il y a une fenêtre au-dessus de la baignoire.)

Quand je me promène dans le quartier, je suis forcément un peu troublée. C’est comme si c’est les strates de ma vie se superposaient, et je vois des fantômes. Ou plutôt j’essaie de voir le fantôme de celle que j’étais il y a cinq ans, mais ça ne marche pas pour la simple et bonne raison que je suis la même personne. Je change très peu.

Du coup, à défaut de pouvoir comparer la richesse de ma vie intérieure en 2008 et en 2013, j’ai décidé de faire un comparatif du quartier. J’avais fait deux posts de blog avant de quitter Montreuil, intitulés Montreuil, c’est moche et Montreuil, c’est beau. (J’avais déjà un fort sens de la titraille.) Je suis donc retournée exactement aux mêmes endroits pour voir l’évolution – sauf qu’il fait beau et que j’ai un meilleur appareil.

En 2008

metro

 

En 2013

metro2

Whouhou, l’escalator du métro n’est plus en travaux! La question est : tombe-t-il toujours en panne une fois par semaine ?

legumes

legumes2

Les commerçants n’ont pas changé.

tissus

tissus2

Ok

arche

arche2

On n’y a plus accès, mais sinon elle n’a pas bougé. A part… Attention, le jeu des différences…

On a rajouté au-dessus une déesse indienne (en hommage à mon séjour là-bas ?) et sur le côté un chat que j’aimerais assez piquer pour chez moi. (Je SAIS qu’il y en a un parmi vous qui va me sortir le nom de l’artiste qui fait ces chats. J’attends.)

bazar

bazar2

Le bazar miniprix Conway a fait une petite beauté mais ils ont su conserver l’essentiel, la pancarte du dessus.

En bonus, ce que j’aime bien c’est le sens pratique des montreuillois comme cette merveilleuse CYBER LAVERIE :

bonus

De manière générale, j’aime beaucoup les lavomatics et Internet. Alors autant dire qu’un croisement entre ces deux univers magnifiques ne pouvait que me réjouir.

Et mes grafs ? Ils sont encore là vous croyez ? En 2008 :

1

En 2013 :

1bis

 

 

2

2bis

 

3

3bis

 

 

4

4bis

 

5

5bis

La perspective est pas la même mais c’est le même mur. D’ailleurs, la preuve sous un autre angle:

6

6bis

 

Donc tout va bien, ils ont gardé les murs dédiés aux grafs. Mais ce qui me chagrine quand même un peu c’est l’arche.

En 2008 :

7

En 2013 :

7bis

 

J’ai ouï dire que certains étaient très mécontents du bilan de Dominique Voynet à Montreuil. Moi je dis ça dépend. Si on juge sur la conservation du patrimoine, elle l’a parfaitement conservé en l’état.

Ceci étant, mon insoutenable honnêteté intellectuelle m’oblige à dire que je vois davantage de bobos dans le quartier. Pas non plus des hordes de bobos assoiffés de chemises APC mais quand même. D’ailleurs, j’ai réussi à convaincre le chef de venir vivre ici, c’est un signe incontestable.

Ceci étant, mon insoutenable honnêteté intellectuelle m’oblige également à dire que les squats pourraves des Maliens sont toujours là et que leurs galères sont sensiblement les mêmes. Pendant que je prenais ces photos, un mec intrigué m’accoste. (= me drague.) On discute (= je lui fais une fellation) (note à l’intention du chef : c’est une blague, j’ai pas exactement fait ça). Il me dit qu’il habite “dans le ghetto en bas”, ce qu’ils appellent le ghetto c’est un immeuble de deux pièces avec 50 noms sur la boite aux lettres qui se trouve être dans ma rue, entre mon ancien appart et mon nouvel appart. Et puis, il me demande mon téléphone parce qu’il doit appeler la CAF qui ne lui a pas versé son RSA. Là, comme je suis une adulte lucide sur le monde qui l’entoure, je dis non. Mais comme je suis également une âme généreuse sensible à la détresse et qu’il était hyper sympa, je propose d’appeler la CAF pour lui.

Putain… Appeler la caf = brûler en enfer. Et moi je propose de me coltiner ça pour un mec que je connais pas.

J’ai fini par avoir une conseillère au téléphone, qui m’a dit qu’il y avait un énorme retard dans le traitement des dossiers de RSA. J’ai annoncé au mec qu’il n’aurait pas d’allocation en septembre.

Donc non, ça n’a pas trop changé.

 

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