31 juillet 2013
En vrac avant de partir
Comme c’est l’été, que le vin coule à flots et que j’ai décidé de consacrer mes journées à lire de la littérature (<modecosette>) plutôt qu’à la défigurer (</modecosette>), nous n’aurons aujourd’hui que des remarques en vrac.
1°) L’autre jour, j’ai dit à Coach sur un ton badin “tiens, t’as remarqué qu’en ce moment, je vais bien, que je ne me plains pas, que j’ai pas de problème”. Il est resté interloqué. J’ai ajouté qu’avec Nadia, pour une fois, on faisait le constat qu’on allait plutôt bien cet été. Il s’est réfugié sous le canapé, visiblement convaincu que la planète allait exploser.
2°) J’ai eu un problème intestinal dont je vous passe les détails. (J’avais bien dit que je n’arriverais jamais à me remettre de ma gastro de la mort.) Du coup, un médecin m’a prescrit des comprimés pour restaurer ma “flore intestinale”. Ce qui m’a peu ou prou donné l’impression que des coquelicots allaient m’éclore dans l’anus.
2°) Je déménage. Encore encore encore encore (4 « encore » pour 4 déménagements en 5 ans de blog VAS-Y, RECORD A BATTRE, DEFIII, t’as peur hein ? Ca t’impressionne ?). Mais j’ai trouvé une justification parfaite à cette instabilité chronique. Quitte à être locataire et se faire gracieusement enculer par des proprios, autant en profiter pour tester tous les apparts de Paris. (J’ai aussi remarqué que désormais j’ai atteint un âge où les gens me disent “ah, cool, vous achetez ?”)
Pour déménager, il faut emballer vos 300 livres que vous gardez en version papier parce que vous les avez déjà annotés. (Le jour où je passerai vraiment au numérique, mes déménagements seront nettement plus simples.)(En y réfléchissant, tout sera plus simple. Plus d’étagères, plus de télé, plus de lecteurs CD, plus de bureau plein de cahiers. Plus de litière puisque je remplacerai Nane par un tamagoshi.) Mais pourquoi foutredieu je garde ça ?
La réponse est évidente : parce que je suis convaincue qu’un jour j’écrirai un truc (truc = roman ou article) pour lequel j’aurai absolument besoin de relire la moitié du paragraphe 3 de la p129.
Pour emballer tous ces trésors, il faut des cartons. Et comme je me refuse à acheter des cartons (jamais de la vie je donne des sous pour un truc que je peux trouver gratuitement dans la rue), je récupère ceux que je trouve. Et c’est comme ça qu’un soir, j’ai pris en bas d’un immeuble une série de cartons de gens intelligents. Regardez donc dessus ce qu’ils ont écrit :
Et aussi :
le “divers” ça doit être Derrida.
3°) Allez voir World War Z au moins parce qu’il y a le meilleur placement produit EVER.
4°) Visiblement, les pubs Intimy exaspèrent pas mal de monde. Pas moi. Voire même, j’avoue que ça m’a fait glousser. “Oh un vers luisant.” “ah non, ça c’est Michel…” Mais dans le fond, avouons qu’elles sont toutes basées sur l’éloge de la grosse queue, donc qu’elles peuvent complexer certains hommes, donc que c’est pas bien. Imaginons, une seconde la même campagne au sujet des femmes à petits seins. Autant dire que je hurlerais mon indignation sur tout l’interweb. Mais là, je m’en branle, parce que je n’ai pas de problème avec la taille de mon pénis.
En regardant sur leur site, je suis d’ailleurs tombée sur la comparaison la plus… hasardeuse ever : « Les préliminaires… Vaste sujet, tant certains hommes semblent penser que les préliminaires sont de l’ordre du facultatif, un peu comme l’assurance annulation lorsqu’on achète un billet d’avion. »
Ah et sur le sujet, vous pouvez aller lire un test consommateur… Et rigolay bien. (Ca me rappelle un peu Miam les fruits et l’internet de 2006.)
5°) Sinon, vous serez ravis d’apprendre qu’une attachée de presse a pensé à vous en termes très flatteurs :
Vos lecteurs sont des gros losers mi-fous mi-dépressifs.
6°) Point MILF (o)(o)
Depuis quelque temps, je pensais que Têtard ressemblait à une caricature de meuf reloue. Genre “Je veux un calin mais sans que tu me tiennes dans tes bras. Lâche-moi mais naaaaan t’éloignes pas de plus de 20 cm mais laisse-moi mon indépendance mais sois là mais sans être collé mais en étant collé.”
Mais en fait pas du tout.
J’ai compris.
Il a avec moi la même relation que j’ai avec mon canapé.
Je suis le canapé dans la vie de mon fils. D’abord, il veut être sur mes genoux mais sans que je le touche. Et franchement si, quand je suis affalée sur mon canapé, les accoudoirs de ce dernier commençaient à me caresser, je le vivrais aussi assez mal.
Finalement, mon canapé, c’est quoi ? C’est le truc dans lequel je me réfugie quand je suis triste ou fatiguée ou malade. Le truc sur lequel j’aime bien glandouiller un peu.
Ce que Têtard ne comprend pas – mais en se mettant à sa place, c’est assez logique – c’est que son canapé a aussi besoin d’amour. Son canapé aimerait des bisous et des câlins.
Mais franchement, qui embrasse son canapé à part des sacs à boutons de puberté de 13 ans en train de s’imaginer une idylle torride ?
Personne.
Donc Têtard non plus.
Du coup, je me dis que s’il me voyait en train d’embrasser l’accoudoir du canapé avec tout l’amour du monde, peut-être qu’il ferait pareil avec moi ?(Ou alors plus tard il désossera des femmes pour les transformer en plaid.) (Ce qui ne serait pas bien grave puisque son avocat pourra toujours plaider les circonstances atténuantes “imaginez une seconde que la mère de celui que vous voyez aujourd’hui comme un monstre a posté des photos de son placenta sur internet. Qui pourrait dès lors se permettre de juger les dérives bouchères de mon client ?”) (D’ailleurs, à qui appartient le droit à l’image du placenta ? A la mère, au bébé ou à la poubelle ?)
7°) Pure curiosité, quand vous tapez « éradiquer » dans Google, il vous fait aussi des suggestions à gerber ?
8°) Salut, tu as 12 ans et tu es moche ? Rien n’est perdu, les voies de l’évolution sont impénétrables.
18 juillet 2013
Cinq ans de blog et une surprise
Aujourd’hui, le blog a 5 ans.
Cinq ans, c’est quand même important. Ca veut dire en gros qu’il quitte la maternelle pour bientôt entrer en CP. Du coup, pour fêter comme il se doit cet anniversaire, je cherchais une blague à faire. Un truc qui marque le coup. (Vous me voyez venir de loin, non ?) Un clin d’oeil que je ferai aux lecteurs assidus. Je n’ai trouvé qu’une idée. (Vous pensez “nan, elle va pas faire ça…”)(mais vous commencez à me connaître, vous savez que je ne peux pas passer à côté d’une bonne blague.) Le problème avec cette idée, c’est que de chez moi, il y a peu de chance pour que j’entende vos cris d’horreur.
Dianou, Alphoenix, François Pottier et les autres âmes sensibles, je vous conseille d’arrêter là votre lecture.
Tintintin…
Dianou, vraiment, tu peux aller cliquer ailleurs.
J’avais dit que je le ferai (coucou les copains de Blended, ça fait longtemps). Alors voilà, comme c’est l’heure du déjeuner, que certains mangeront sans doute un steak saignant, la photo tant attendue par la blogosphère française :
The royal placenta.
Bon anniversaire et bon appétit les amis! (Oui, du coup, je considère que c’est aussi un peu votre anniversaire.)
Attention, cette photo s’auto-détruira.
Edit : j’ai auto-censuré ma photo oui. Juste pour énerver les lecteurs qui sont partis en vacances loin d’internet en juillet.
21 juin 2013
L’ironie, cette figure de style si traitresse…
Parlons un peu webculture.
Edit : je modifie des trucs, parce que j’ai pris les commentaires dans le mauvais ordre.
Le Gorafi, fameux site parodique, une sorte d’Infos du Monde version 2013 (profitons-en pour rendre hommage une nouvelle fois à Frédéric Royer), donc le Gorafi a publié un article marrant :
Ok. Rien de neuf. Ca leur arrive assez souvent. Par contre, ce qui est devient complètement foufou dans l’histoire c’est la quantité de commentaires (là, 1141) que ce simple texte a provoqué depuis lundi dernier.
Là, vous allez me dire “putain, les gens sont trop cons, ils y ont vraiment cru ?”
En fait, c’est un peu plus compliqué et intéressant que ça.
Prenons les commentaires un peu en détail :
Spicopate 11/06/2013
C’est du grand n’importe quoi ! Un type ne peut pas vivre 7 ans en ne se nourrissant que d’araignées ; et sa famille n’aurait même pas remarqué son absence ?
Pffffff !!! A croire que Le Gorafi est un site parodique !
Ou
Jason Beaulieu 11/06/2013
Mon Dieu!!Mais quelle horreur de voir tous ces commentaires se moquer de seu povre monsieux!C’est un miracle d’avoir survecu a 7ans(!!) dans le forc. Imaginer quand il entendait le tournage des episodes pendant l’ete.. Quelle souffrance cela a du etre! Jason de Vitry
ps : honte a tous les moqueurs – j’aimerais bien que ca arrive a votre famille et vous feriez moins les rigoleurs
Qui entraine comme réponse :
Ali 11/06/2013
Omg .. Here, please, Kill yourself
Ali qui n’a visiblement pas compris qu’on se foutait de sa gueule…
Et plus le papier circule, plus il y a de gens qui viennent commenter pour dire que ceux qui y croient sont vraiment abrutis. Sauf que comme nous venons de le voir, une forte majorité des commentaires qui disent “mais c’est dingue cette histoire” relève du second degré (pas tous, mais si vous prenez le temps d’aller regarder la proportion est assez impressionnante). Du trolling donc tout en subtilité. Et maintenant, (attention, cette phrase est compliquée parce que mal écrite donc accrochez-vous) les gens viennent réagir pour dire qu’ils trouvent ça inquiétant que les autres gens soient aussi naïfs sans se rendre compte qu’ils sont eux-mêmes victimes de la farce qui consiste à leur faire croire que des gens y croient. Vous voyez l’idée ? Ca donne une espèce d’Inception de l’humour et de la manipulation parce que du coup, plus ils se révoltent contre la naïveté des internautes plus ils affichent la leur.
Génie total et absolu.
Un grand moment de web.
Je connais des situationnistes qui rigolent bien depuis leurs tombes.
Comme les mecs du Gorafi sont vraiment très forts (dans l’équipe du Gorafi, je mets aussi les commentateurs, ils le méritent – d’ailleurs, mon hypothèse c’est qu’il n’est pas exclu que des membres de l’équipe du Gorafi ait rédigé quelques commentaires, même si leur CEO-stagiaire affirme le contraire), ils arrivent à faire douter certaines personnes pourtant circonspectes.
Aimé kiléquon 10/06/2013
Je trouve vraiment ça dégueulasse tous les gens qui crient au fake. Je fais partie de la famille d’Aymeric. Il est parti au fort après une dispute. Nous avons signalé sa disparition. La police nous a répondu qu’il était majeur et qu’il avais sans doute décider de partie de lui même donc qu’aucune recherche n’était possible.
C’est assez dure a vivre pour nous et surtout pour lui. Franchement votre esprit me fait vraiment mal au coeur. Je n’ai pas l’habitude de poster sur internet, je ris même parfois des commentaires… Finalement quand on est personnellement touché ca fait beaucoup de mal. Nous allons portez plainte contre la production qui nous avais assurer qu’il avais bien quitter le fort. Je me souviens encore de passe partout me déclarant les yeux dans les yeux, avec difficulté (du fait de sa taille il avais mal a la nuque) : « je vous jure qu’il est partie de l’ile avant la fin du jeu.
Merci pour ceux qui comprendrons la douleur d’une famille.
Aimé
(En général, il suffit de lire les pseudos choisis pour comprendre… )
Mais comme réponse, on a :
arthur 10/06/2013
Comprenez bien qu’il est très difficile de croire à une telle histoire, effectivement comment survivre 7 années avec tellement peu de nourriture c’est juste improbable. Alors merci de comprendre que pour la plupart des personnes ce récit relève de la fiction. Moi-même j’ai du mal à y croire.
= j’y crois pas mais enfin là quand même vous me mettez le doute.
Evidemment, cette porte d’incrédulité entrouverte était trop tentante pour que personne ne s’y engouffre :
Dr Helmut Hardelpick 10/06/2013
Biologiquement parlant, il est beaucoup plus facile de survivre sept ans avec peu de nourriture qu’avec pas du tout de nourriture. Votre incrédulité tient donc à une pétition de principe, aggravée par l’oubli (volontaire ?) de la volonté de survie du sujet, laquelle est pourtant évidente, puisque monsieur Ledeb participait – de son plein gré, notez-le – à cette émission mondialement réputée pour repousser les limites de la volonté humaine.
Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que monsieur Ledeb ait réussi à survivre, surtout si, de plus, on tient compte des soixante mille litres de saint-émilion laissés dans les caves du Fort par l’armée allemande lors de son évacuation en 1944.
Dr Hardelpick
Suivi de :
Michel Mayok-kechpreffer 11/06/2013
Historien.
Une petite précision : 59 873 litres. Pour être précis ne prenons pas les lecteurs pour des neuneus.
AH AH AH AH… C’est grandiose. C’est beau. C’est un monument. Epousez-moi tous.
Allez, avant de se quitter, j’en remets une petite couche, c’est beau, c’est bon, ça fond dans la bouche :
Michelle 10/06/2013
Bonjour,
Je suis Michelle, mère d’Aymeric, et je dois vous témoigner mon indignation devant les commentaires présents sur ce site.
Votre mépris et vos remarques déplacées m’ont profondément touchée. Certes, il y a de la joie dans le retour d’Aymeric, mais la peine reste encore présente. Vos mots attisent notre souffrance.
Au moins, par respect pour nous, puissiez-vous ne rien dire ? Cela est-il trop demandé ?
Je ne souhaite à aucun de vous ce qu’à vécu mon fils. Alors s’il vous plaît, respectez au moins sa dignité.
Une mère en colère…
Rousse 10/06/2013
Eum. Alors pk on est pas capable de touver un. Lien veridic un lien de presse. Ou journale ki dise ke sette histoir c bin passer
Henri 10/06/2013
Un lien de presse ?
Et ici c’est quoi ? Une fromagerie ?
EpicWin
Chienne d’ironie.
15 juin 2013
La vie d’artiste
Coucou,
ça va ? Tranquille ? Pas trop galère le boulot en ce moment ?
(Je me suis rendue compte que je ne prenais pas assez souvent de vos nouvelles.)
De mon côté, vous aurez remarqué que je poste moins. Parce que je travaille plus (lire “+”) (c’est hyper relou ce truc de français à l’écrit entre plus = + et plus = pas, surtout pour les gens comme moi qui aiment zapper la moitié de la négation). Je passe un temps non négligeable allongée sur mon lit à réfléchir à un roman. Plus concrètement, ça ressemble à quoi la vie d’un artiste en pleine gestation ? Que faisait vraiment Proust de ses journées ? Je m’en vais vous le dévoiler.
Au milieu de ces heures passées à l’horizontale à réfléchir intensément, parfois je me lève et je fais des trucs. Pas écrire hein. Des trucs genre déboucher un évier. L’autre jour, comme truc à faire, j’ai trouvé “passer un coup de serpillère dans les chiottes”. (Depuis la naissance de têtard, Brice Nane Teinturier pisse consciencieusement à côté de sa litière. Mias c’est peut-être aussi parce que je n’ai plus le temps de changer sa litière.) Donc je vide la caisse du chat. Et je lave le sol. Je regarde satisfaite et puis je me rends compte que ça pue. Une espèce de puanteur immonde qui se dégageait du sol des toilettes. Tu rentres dans les chiottes pour faire pipi et finalement le temps d’atteindre la cuvette, tu décides de vomir.
Ce jour-là, j’ai compris que la serpillère n’est pas un être éternel. Qu’à un moment elle arrive à la fin de son existence et que ce moment se remarque au fait que ton sol sent encore plus mauvais après l’avoir lavé. (J’avais eu la même révélation y’a 15 ans au sujet des éponges.) (Par contre, je maintiens qu’un sac d’aspirateur est un être éternel qui demande seulement qu’on le vide un peu dans la poubelle avant de le remettre en place.)
Ca empestait donc les entrailles de l’enfer chez moi.
Comme j’avais rien d’autre à faire à part révolutionner la littérature, je décide d’aller au supermarché. Je pars donc de chez moi, avec même mon sac plastique transparent dans lequel j’avais mis les crottes de Brice Nane Teinturier. (Je ne descends jamais les poubelles, donc j’étais assez fière de moi.)
Sur le chemin, je me dis que ma vie est une série d’actions somme toute assez triviale (boire du café, fumer, faire caca, trainer sur internet, récurer les chiottes) mais que tout ça est guidé en sous-main par un vaste projet de conquête du monde même si, certes, il n’apparait pas de façon évidente dans mon planning quotidien.
Je rentre dans le supermarché.
Je m’arrête.
Je sens monter en moi une impression de honte totale mais je ne sais pas encore d’où elle vient.
Mais elle monte. J’ai envie de mourir de honte mais impossible de savoir pourquoi.
Jusqu’au moment où je baisse les yeux et je vois au bout de ma main mon putain de sac plastique transparent contenant la litière dégueu de Nane.
…
Je suis rentrée chez moi jeter la poubelle. Retourner au supermarché. Où j’ai acheté un pschit qui sent bon pour la maison.
Je suis enfin re-rentrée chez moi.
J’ai vaporisé ma connerie de pschit. Y’avait écrit “vanille” mais en vrai ça sent la crème solaire.
Et puis j’ai vu devant les toilettes ma serpillère qui pue. Que j’avais oubliée de jeter. Mais surtout, surtout, je me suis rendue compte que je m’étais farcie le supermarché et qu’une fois là-bas ça ne m’était pas venu à l’esprit d’acheter une nouvelle serpillère pour relaver le sol. Non. Moi j’ai acheté un pschit sûrement cancérigène pour masquer l’odeur de la serpillère.
Voilà, ça, c’est 40 minutes d’une de mes journées type.
Heureusement que révolutionner la littérature et conquérir le monde ne demande pas un QI trop élevé, sinon je serais vraiment mal barrée.
Attention, deuxième anecdote de mon quotidien. (Ma vie est tellement palpitante en ce moment qu’elle ferait passer Game of thrones pour un épisode de Derrick.)
Chez moi, y’a une machine cheloue qui a fait son apparition :
Et puis d’autres trucs comme ça :
Balance + légumes = ? Alors ? = je vis avec quelqu’un qui fait un régime.
Ok…
C’est pas la première fois que ça m’arrive. Par contre, c’est la première fois que je vis avec quelqu’un qui tient son régime plus de trois jours.
Est-ce que vous avez déjà vécu avec quelqu’un au régime ?
Parce que soyons francs, c’est particulier quand même. Sachant que la seule chose qui m”intéresse moins au monde que la météo, c’est parler de calories, je suis un peu déstabilisée par les discussions sur la perte de centaines de grammes. Je sais pas gérer. Au début, il perdait du poids. Donc moi, bêtement, je m’écriais “génial! putain mais c’est complètement ouf! Give me five champion!” (j’essaie de compenser mon manque de compréhension par un enthousiasme débordant).
“Vas-y, on boit du vin pour fêter ça ?”
Ah bah non. On ne boit pas de vin parce que l’alcool ça fait grossir. (Enfin… à ce compte-là, je devrais être obèse.)
Mais surtout, j’ai eu droit à “je perds trop vite là”. Ah… Il avait vraiment l’air embêté. Moi je voyais pas trop le pourquoi. Tu te forces à bouffer des tomates, tu perds du poids, tes efforts masochistes sont récompensés, le monde fonctionne. Mais en fait, “Ca veut dire que je vais stagner d’un coup et ça va être dur”.
Ah oui, aussi faut pas dire “mais arrête de bouffer des tomates, tu vas être malade”. Parce que “je ne me force pas, j’ai envie de manger des tomates” dit le mec au régime en déglutinant devant ma tartine de fromage.
(Revenons une minute sur l’idée qu’on peut tomber gravement malade en mangeant des tomates. La tomate, selon moi, ça a à peu près le même apport en calories qu’un verre d’eau. Plutôt que de manger une tomate, buvez un verre d’eau, ça ira plus vite à préparer.) (Petite astuce que je vous donne comme ça, au passage.)
Mais c’est quand même un putain de sacerdoce un régime. Surtout quand t’es la personne en charge de faire la bouffe. Résultat, tous les soirs, il cuisine un plat de patates/viande/sauce qu’il me sert avant de s’asseoir à côté de moi sur le canapé (on n’a pas de table pour manger, ça vous indique le degré d’intérêt que j’ai pour la bouffe), il s’asseoit donc sur le canapé, les mains aggripées à son saladier de tomates. “t’es sûr que t’en as pas marre des tomates ?” “NOOON. J’ai ENVIE de manger des tomates.” Ok…
Après, t’as l’inévitable drame du dessert. Je demande “tu veux pas un dessert?” “Non”. Ok. Donc je lui ramène un verre d’eau. Et je me prends un pot de glace chocolat/brownies. Et là, j’ai droit à “fais voir…” Fais voir = donne-moi ta cuillère et ton pot de glace TOUT DE SUITE SALOPE. (La variante à “fais voir” c’est “fais goûter”. Goûter = mettre un maillot de bain pour se plonger dans une piscine de chocolat.)
Là, tu sais pas quoi faire. Soit tu soutiens le régime et fais remarquer que c’est pas top la glace au chocolat. Mais t’as l’air d’un dictateur (surtout que toi, tu t’enfournes la moitié du pot). Ca peut même être interprété comme un “en fait, tu me trouves gros”. Soit tu dis rien. Mais dans ce cas, tu risques après coup une remarque type “t’aurais pu m’arrêter, je me sens mal, j’ai mal au ventre, j’ai tout gâché, c’est ta faute, t’aurais dû m’arrêter quand le chocolat commençait à sortir par mes oreilles”.
5 juin 2013
Le discours de Joss Whedon sur… la vie
Aux Etats-Unis, ils aiment bien le côté cérémonial et rite de passage. Du coup, les diplômés portent une cape et un bonnet carré. (En France, on aime bien aussi les rites de passage mais on a choisi de traumatiser nos ados avec une série d’épreuves absurdes plus connues sous le nom de « baccalauréat ».) Pour en revenir aux jeunes Américains, ils ont donc droit à une cérémonie de remise des diplômes au cours de laquelle un ancien élève-qui-a-réussi-dans-la vie vient leur délivrer un discours pour les préparer à la vie adulte. (Dans le genre, il faut absolument lire C’est de l’eau, le discours de David Foster Wallace qui est à peu près ce qui se fait de mieux dans la catégorie très casse-gueule des « leçons de vie ».)
C’est comme ça que Joss Whedon s’est retrouvé à faire un discours de portée existentielle avec un chapeau ridicule.
Y’a même la vidéo du discours :
(Sur la page Youtube, y’a le meilleur commentaire possible « Awww, he didn’t turn into a giant snake… » – mais bon, ça ne fera rire que les fans de Buffy.)
Du coup, je me suis dit que c’était dégueulasse pour les ados français qui sont privés de ce genre de discours. (Et pour ceux qui ont eu 11/20 au bac en anglais.) Alors j’ai demandé à Ondine de traduire le discours de Joss. (J’ai eu 12/20 en anglais.)
« J’ai assisté à beaucoup de remises de diplômes. Quand j’étais assis là où vous êtes assis, l’orateur était Bill Cosby. Drôle de mec, Bill Cosby. Il avait été très marrant et aussi très bref, et je l’avais remercié pour ça. Il nous avait donné un conseil que j’ai gardé en tête, que beaucoup d’entre nous n’ont jamais oublié, à propos de changer le monde. Il nous avait dit « vous n’allez pas changer le monde, alors n’essayez pas ».
Et c’est tout. Il n’était pas revenu là-dessus. Après, il s’était plaint d’avoir dû acheter une voiture à sa fille, et nous étions partis. Je me rappelle m’être dit « je crois que je peux faire mieux. Je pense pouvoir susciter un tout petit peu plus d’inspiration que lui. »
Donc ce que je voudrais vous dire aujourd’hui, c’est que vous allez tous mourir.
C’est un très bon début de discours de remise de diplômes parce que j’imagine qu’il ne peut que s’améliorer à partir de maintenant. Ça ne peut que s’arranger, c’est très bien. Ça ne peut pas être plus déprimant. Vous avez, en fait, tous déjà commencé à mourir. Ne vous méprenez pas, vous avez l’air d’aller bien. Vous n’êtes que jeunesse et beauté. Vous êtes au top de votre forme. Vos corps viennent simplement de quitter le plus haut sommet de la piste de ski, et voilà maintenant qu’arrive la piste noire à bosses jusqu’à la tombe. Et le plus bizarre dans tout ça, c’est que votre corps veut mourir. Au niveau cellulaire, c’est ce qu’il veut. Et ce n’est probablement pas ce que vous voulez, vous.
Je sens de grandes et nobles ambitions dans ce groupe d’étudiants. Vous voulez devenir politiciens, travailleurs sociaux. Vous voulez être artistes. L’ambition de votre corps : devenir du compost. Votre corps veut faire des bébés et retourner dans la terre pour la fertiliser. C’est tout. Ça semble être un peu contradictoire. Pas très juste. On vous dit « allez découvrir le monde ! » pile au moment où votre corps vous dit « hé, baisse d’un cran. Laisse tomber. »
Et c’est contradictoire. Et c’est justement de ça dont je voudrais vous parler. La contradiction entre votre corps et votre esprit, entre votre esprit et vous-même. Je pense que ces contradictions et ces tensions sont le plus beau cadeau qu’on ait reçu, et avec un peu de chance, je peux vous expliquer pourquoi.
Mais d’abord, laissez-moi préciser quand je parle de contradiction, je parle de quelque chose qui s’exprime constamment dans votre vie et votre identité, pas seulement dans votre corps, mais aussi dans votre propre esprit, par des voies que vous identifiez ou non.
Disons qu’hypothétiquement, deux chemins se séparent dans les bois et que vous prenez le moins emprunté des deux. Une partie de vous va se dire « Regarde-moi ce chemin ! L’autre là-bas a l’air vachement mieux. Tout le monde l’emprunte. Il est goudronné et il y a des Starbucks tous les 30 mètres. Sur celui-là, il y a des orties et le corps de Robert Frost – quelqu’un aurait pu penser à le bouger de là – quelque chose ne va pas. » Votre esprit ne vous dit pas seulement ça, il est sur l’autre chemin, il se comporte comme s’il était sur l’autre chemin. Il fait le contraire de ce que vous êtes en train de faire. Et pour le reste de votre vie, vous ferez, à certains niveaux, le contraire – pas seulement de ce que vous êtes en train de faire – mais de ce que vous pensez être. Ça ne s’arrêtera jamais. Tout ce que vous ferez de tout votre coeur, vous en ferez le contraire. Et ce qu’il faut que vous fassiez, c’est respecter cela, le comprendre, l’identifier, écouter cette autre voix.
C’est quelque chose de rare, mais vous avez la capacité et la responsabilité d’écouter la voix dissidente en vous, pour au moins lui donner la parole, parce que ce n’est pas seulement la clé de la conscience, mais aussi du véritable développement. Accepter sa dualité, c’est gagner son identité. Et l’identité est quelque chose que vous gagnez sans cesse. Ce n’est pas seulement qui vous êtes. C’est un processus dans lequel vous devez être actif. Ce n’est pas simplement imiter vos parents ou ce que vos profs vous ont enseigné. C’est vous comprendre vous-même pour devenir vous-même
Il y a deux choses que je voudrais dire à propos de cette contradiction et de cette tension. La première, c’est qu’elle ne disparaît jamais. Si vous pensez que réussir ou régler quelque chose, qu’une carrière ou une relation fera taire cette voix, ça ne sera jamais le cas. Si vous pensez que le bonheur signifie être en paix, vous ne serez jamais heureux. La paix vient avec l’acceptation de cette partie de vous qui ne pourra jamais être en paix. Elle sera toujours en conflit. Si vous acceptez ça, les choses se passeront bien mieux.
La seconde raison, c’est que si vous construisez vos identités et vos croyances sans les remettre en cause, quelqu’un d’autre le fera. Quelqu’un viendra vous voir, et peu importe vos croyances, vos amitions, il les questionnera. Vous serez alors incapable de les défendre, de tenir vos position, à moins d’avoir fait ce travail vous-même avant. Vous ne me croyez pas ? Essayez de tenir debout sur une seule jambe. Vous avez besoin de voir les deux côtés.
Maintenant, si vous le faites, est-ce que ça veut dire que vous allez changer le monde ? Ça va, j’y arrive, détendez-vous. Tout ce que je peux vous dire à ce stade, c’est qu’on est tous d’accord sur le fait que le monde a besoin de quelques petits changements. Je ne sais pas si vos parents vous ont parlé de ce qui est arrivé au monde mais… on l’a détruit. Je suis désolé… c’est un peu le bordel. C’est un moment difficile pour y entrer. Et c’est un moment étrange dans l’histoire de notre pays.
Le truc avec notre pays – oh, c’est un beau pays hein, je l’aime bien –, c’est qu’il n’aime pas bien les contradiction ou les ambiguités. Il n’est pas fan de ce genre de choses. Il aime que les choses soient simples, qu’elles soient bien étiquetées – bon ou mauvais, noir ou blanc, bleu ou rouge. Nous ne sommes pas comme ça. Nous sommes bien plus intéressants que ça. Et la manière dont on peut commencer à comprendre le monde c’est d’avoir toutes ces contradictions en nous, de les voir chez les autres et de ne pas les juger pour cela. Pour apprendre ça, dans un monde où le débat s’est évaporé au profit des cris et de la brutalité, la meilleure chose à faire n’est pas seulement de revenir au débat honnête, mais de perdre le débat, parce que cela veut dire que vous aurez appris quelque chose et que vous aurez changé de position. La seule façon de comprendre votre point de vue et ses valeurs, c’est de comprendre son opposé. Ça ne veut pas dire comprendre le fou qui crache sa haine à la radio, mais comprendre les honnêtes gens qui ont besoin de l’écouter. Vous êtes liés à ces gens. Ils sont liés à lui. Vous ne pouvez pas échapper à cela.
Ce lien est en partie une contradiction. C’est de cette tension dont je parlais. Cette tension ne réside pas dans ces deux points de vue opposés, mais dans la ligne qui les sépare et qu’ils déforment sans cesse. Nous devons admettre et respecter cette tension et le lien dont cette tension découle. Celui que l’on a, non seulement avec les gens que l’on aime, mais aussi avec tous les autres, même ceux qu’on ne supporte pas et dont on préfèrerait ne pas connaître l’existence. Ce lien que nous avons est une partie de ce qui nous définit
La liberté n’est pas l’absence de lien. Les meurtres en série sont l’absence de lien. Certaines énormes compagnies d’investissements ont réussi à atteindre cette absence de lien. Mais nous, en tant qu’humains, ne pourrons jamais le faire. Nous ne sommes pas supposé le faire et nous ne devrions jamais avoir envie de le faire. Nous sommes tous des individus, bien sûr, mais nous sommes plus que ça.
Alors pour en revenir à cette histoire de changer le monde, il se trouve que ce n’est même pas une question, vous n’avez pas le choix. Vous allez changer le monde, parce que vous êtes justement le monde. Vous ne traversez pas la vie, c’est la vie qui vous traverse. Vous la vivez, vous l’interprêtez, vous agissez et elle est ensuite différente. C’est ce qui se passe en permanence. Vous êtes en train de changer le monde. Vous le changez depuis toujours, et cela devient aujourd’hui encore plus réel qu’avant.
C’est pour cela que j’ai parlé de vous et de cette tension qui réside en vous, parce que – et je ne dis pas ça de manière cliché, mais au sens littéral – vous êtes le futur. Une fois que vous serez venus jusque sur l’estrade et que vous en serez redescendus, vous serez le présent. Vous serez le monde brisé et l’acte même de le changer, d’une façon que vous n’avez encore jamais connue auparavant. Vous serez tant de choses, et ce que j’aurais aimé savoir et que je voudrais vous dire, c’est de ne pas seulement être vous-mêmes. Soyez toutes les facettes de vous-mêmes. Ne vous contentez pas de vivre. Soyez aussi cette autre chose liée à la mort. Soyez la vie. Vivez toutes vos vies. Comprenez-les, regardez-les, appréciez-les. Et amusez-vous. »