9 février 2011
Aujourd’hui, étudions la web curation
L’autre soir, je prenais l’apéro avec le binôme de l’Internet (elle et lui). Elle sortait d’une conférence sur la curation. Evidemment, j’ai commencé par hocher la tête d’un air entendu. Parce que, soyons clairs, je connais le mot « curation ». Je le connais suffisamment pour savoir qu’il existe pour de vrai. Par exemple, au scrabble, on me sortirait le mot « curation » je validerais. Juste, je sais pas exactement, ni même généralement, ce qu’il veut dire. Du coup, Mélissa m’explique le nouveau sens web de curation. Elle a fait un article dessus ici. (Mais on va y revenir après un détour sémantique.)
Si on prend l’article de Techcrunch, on a bel exemple de « la langue française est dead, amis étudiants en lettres, laissez tomber, vous pouvez toujours essayer de vous pendre avec vos Littrés ».
Donc en anglais, le mot curator désigne les conservateurs de musée qui choisissent des tableaux pour organiser une exposition. Appliqué au web, the curation veut donc dire le fait d’organiser des liens. (On va y venir après que je vous auras appris à bien parler le navarrois.)
Et Techcrunch nous balance : « la “curation” – à ce stade vous comprendrez que je renonce à traduire le mot en français… » Ah bah non, perso je comprends pas bien, vu que le mot curation existe en français mon gars. Donc là, on est face à un gros problème de traduction. On ne peut pas traduire « the curation » par « la curation » vu que les deux mots ne désignent pas la même chose. La curation en français c’est le traitement des plaies, des maladies. En plus, vu comment déjà la France, elle aime pas le web, qu’elle considère comme une jungle, si maintenant on le considère comme une maladie à soigner, ça va pas arranger nos affaires mes enfants.
Evidemment, le combat est perdu d’avance. Déjà, insidieusement, les commissaires d’exposition avaient commencé à employer le mot curation dans son sens anglais. Et on va tous dire « curation ». Mais voilà, au moins, vous, vous saurez que « curation » c’est pas juste un mot importé de l’anglais mais aussi un mot français dont le sens n’avait rien à voir. Ah Saussure, ils sont devenus fous…
Bref, venons-en à la web curation. La magie de ce mot, c’est de définir un truc qui existe depuis que le web est web et depuis que le lien est lien. C’est donc organiser une sélection de liens. Parce que d’un côté l’internet, c’est le bordel, que y’a plein de contenus, et que de l’autre y’a des gens qui n’ont pas grand chose à faire de leur vie et qui aiment bien faire partager ces liens à leurs amis. Ces branleurs sont donc des curateurs (ou des curators, on sait pas encore), ce qui a vachement plus la classe. Par exemple, au hasard, moi.
Comme vous n’aurez pas manqué de le noter, ami lecteur mon frère, au moins une fois par semaine, je fais un post avec des liens coolos que j’ai trouvés sur le web. Comme Diane fait dans la revue du web des Inrocks ou Alexis dans la revue du web de GQ.
Ca pointe aussi une des caractéristiques de l’internet : « on publie d’abord le contenu avant de le filtrer » (dixit Dominique Cardon).
Ce qui m’inquiète un peu là-dedans, c’est que du moment où on a trouvé un mot pour désigner le truc, on risque la professionnalisation. Bientôt, je vous parie le bras de ma mère qu’on aura des stage de curation et des offres d’emploi de curateurs. Y’avait eu la même chose avec les community managers (rappelons donc : ces gens qui connaissent les mystères impénétrables des réseaux sociaux comme Facebook). Et ça, je sais pas pourquoi, ça me déprime complètement.
Pourtant, aller chercher des liens coolos sur l’interweb et les organiser, oui c’est du boulot. Et oui, vu l’architecture du web, c’est plutôt nécessaire. Mais là, ça me donne l’impression qu’on va se faire gicler par des étudiants en école de commerce qui deviendront curateurs professionnels, qui l’envisageront uniquement comme un boulot et pas par amour. Parce qu’il y a un amour du beau lien. Avant de devenir des curateurs professionnels, Diane, Alexis et moi passions nos vendredis soirs à se montrer des liens rigolos sur l’interweb, pour le plaisir.
Je sens confusément qu’il y a là matière à prolonger ma réflexion sur la mort du web et la quiche lorraine mais je suis un peu trop fatiguée pour ça.
Bref, internet est devenu une affaire sérieuse de grandes personnes assez chiantes, exactement comme le mot curateur, et comme les images qui vont avec :
Preuve s’il en fallait que l’avenir est sombre : à peu près toutes les occurrences de curation vont de paire avec les mots « marketing » et « marques ». Mais qu’est-ce que les marques viennent foutre dans des revues du web sympatoches ?
Je tombe sur un titre effrayant : Curation, la prochaine étape du marketing de contenu. Le marketing de contenu. Aka la pub intelligente. Aka la mort.
Donc attention, citation pour marketeux en mal de poésie : » Au-delà de la curation de masse, la pertinence de ce type de service réside dans une évolution du discours des marque sur les médias sociaux. Scoop It spécule sur l’inflation du content marketing pour générer du chiffre d’affaires : « Sur le discours des marques nous en sommes au début en termes de marketing social. Que ce soit du brick and mortar ou autre, aujourd’hui elles ont une page facebook, un twitter et elles payent un content/community manager pour animer le tout. Mais les marques n’ont pas forcément quelque chose de pertinent à dire quotidiennement. Plutôt que de se concentrer sur ses messages corporate, une marque peut parler de sujets liée à son domaine d’intervention, le sport, la nourriture etc… Ce qu’on leur propose c’est de devenir des curateurs. Cela leur permet de créer une affinité avec son domaine et en plus c’est un modèle vertueux : elles peuvent créer une image de marque à moindre coût en utilisant notre service premium proposé en SaaS…. »
Donc, les marque pour avoir l’air sympa vont faire des veilles internet sur les sujets qui les concernent et faire des revues du web.
Autant dire qu’on est très très loin de nos vendredis soirs chez Dianou passés à rigoler devant des gifs animés.
Si les marques se lancent dans la curation, moi je veux bien et même je leur laisse ce mot affreux. (Curation, ça rappelle quand même beaucoup curetage. Allez-y donc, allez avorter l’internet.) Donc, je propose (je sais que je serai pas suivie, je m’en fous, je suis tel le prophète qui crie seul dans le désert), que le mot curation ne désigne QUE le fait d’éditorialiser des liens au service des marques.
Pour les autres, on vivait très bien sans mot pour définir notre activité. Donc on continuera tranquillement à faire des liens vers des trucs qu’on aime bien et qu’on a envie de partager parce qu’on est webfriendly.
4 février 2011
Ces petits trucs qui, au quotidien, pètent les couilles
Coucou hibou.
Consacrons-nous aujourd’hui aux « petites choses de la vie ».
Pour être de bonne humeur, parfois, il suffit de se faire flipper. Par exemple, vous allez normalement, ni bien ni mal. Et puis, vous cherchez votre téléphone dans votre sac et là, pendant dix secondes où vous ne le trouvez plus. Putain, je l’ai perdu, la petite roumaine de tout à l’heure me l’a piqué, salope prénubile. Les boules. Et puis, au moment où vous le sentez entre vos doigts, brusquement vous êtes de super bonne humeur. Comme si vous aviez eu une bonne nouvelle.
Ca m’a fait ça l’autre jour avec un épisode aussi court que ridicule. J’ai cru que j’avais une tâche cancéreuse sur le visage mais après, je me suis rendue compte que c’était une miette de croissant. Ca a suffi à ce que ce soit une bonne journée.
Comme j’en suis à avoir des réflexions de la profondeur de la mare aux canards, voici deux petits trucs qui devraient être modifiés pour que ma vie quotidienne soit plus belle.
Problème n°1
J’habite au 5ème étage ce qui a l’avantage de 1°) me permettre d’avoir une terrasse sur laquelle je vais jamais mais sur laquelle je pourrais aller si j’avais envie d’attraper une pneumonie, 2°) me faire faire du sport (ma mère m’a dit « ça sert à rien de seulement monter les escaliers, il faut le faire sur la pointe des pieds » comme je suis incroyablement sensible à ce genre d’impératifs catégoriques, je le fais donc). Mais bon, la montée de ces 5 étages, surtout quand on la fait sur la pointe des pieds, c’est quand même d’un ennui absolu. Or, quand on s’emmerde et qu’on n’est pas chez soi, on fait quoi ? On checke ses mails. Evidemment. Sauf que la 3G ne passe pas dans ma cage d’escalier et que conséquemment ces minutes sont absolument perdues pour ma vie. (Coucou Orange, coucou le syndicat de copropriété, est-ce que vous pourriez vous attaquer aux vrais problèmes ?)
Comme ce post manque d’image, pause visuelle avec une de mes photos préférées du monde (déjà postée ici-même mais on ne s’en lasse pas).
Problème n°2 (et vous allez constater qu’il est intimement lié au problème n°1)
J’oublie toujours de poster mon courrier. (Surtout quand c’est mon loyer.) Déjà penser à faire le chèque, c’est compliqué pour mon petit cerveau. (Coucou Jean-Luc Mélenchon qui n’aime pas les petits journalistes avec leurs petites bouches et leurs petits cerveaux.) Il faut bien deux jours pour m’en remettre. Deux jours au terme desquels je me décide à chercher une enveloppe. A chercher l’adresse de l’agence immobilière. A chercher un timbre. (A ce stade-là, j’en suis déjà à 6 euros de pénalités de retard.) Après, on pourrait se dire que c’est bon. Sauf que bien sûr, l’enveloppe traîne une semaine au fond de mon sac. Parce que, attention, suivez bien le raisonnement, c’est le fruit de plusieurs mois d’auto-analyse de mon comportement :
1°) sachant que je me déplace exclusivement en métro
2°) que je pars de chez moi, j’éteins mon ordi
3°) que je ne peux pas consulter mes mails en descendant les 5 étages (oui, bizarrement, ça ne marche ni pour la montée, ni pour la descente) (par contre, je ne les descends pas sur la pointe des pieds)
4°) quand je sors de mon immeuble, j’écoute de la musique ET je me précipite sur l’icône mail de mon téléphone puisque ça fait bien deux minutes que j’ai pas consulté ma boîte et qu’évidemment j’ai dû entre-temps recevoir le mail qui m’assurera richesse et fortune pour l’éternité
5°) le temps de tout checker (parce que comme je suis déçue ne pas avoir eu le mail de richesse, je vais regarder les statuts facebook des gens pour voir s’ils sont plus heureux et/ou chanceux que moi) j’arrive au métro.
6°) me voilà donc sur le quai du métro. Temps moyen d’attente du train : 3 minutes. Et là, j’ai plus rien à faire. Et là, me revient à l’esprit : putain… j’ai encore oublié de poster le loyer merde de merde de bordel à foutre. Arrivée du prochain train dans 2 minutes. Je vais pas remonter pour poster mon loyer. Je le ferai en sortant. Evidemment, en sortant j’y pense pas puisque je rechecke mes mails.
Donc, il faut une chose pour améliorer ma vie et mes rapports avec l’agence immobilière : des boîtes aux lettres sur le quai du métro. (Est-ce que si je copie ce texte et que je l’envoie au mec de l’agence, il va être attendri et arrêter de me foutre ces putains de pénalités ?) (Je pense que ça se tente.) (En plus, j’ai son mail.)
Une dernière réflexion qui ne parlera qu’aux auditeurs de France Inter en journée : quelqu’un a-t-il compris à quoi servent les Carnets de campagne de Philippe Bertrand ?
Sinon, la dernière fois on parlait du chat démoniaque. J’ai une nouvelle théorie : ce chat n’avait rien d’exceptionnel, c’est tous les animaux de l’Est qui sont barges. Voici le renard qui lèche une vitre :
Ce qui a donné en commentaire facétieux : Firefox a rencontré un problème avec votre version de Windows. lol
Et sinon du lol français. Est-ce que toi aussi tu as déjà rêvé que Justin Bieber se remeta sur toi, il t’ejacula dans la chatte (avec un preservatif), de se coup tu te relava, te r’habillas et te coiffas et allas faire un tour dehors ? Moi s’aussi je veux s’être s’écrivain.
Edit : OMG. Le Justin Bieber Skyblog n’est plus en ligne. Heureusement que j’avais fait des captures d’écran…
1 février 2011
Comme un statut Facebook
J’ai rien à dire à part me plaindre, ce que je pourrais faire en statut Facebook hein n’est-ce pas mais je préfère polluer les rss des gens pour ça. D’ailleurs, je cherche un bon ET beau lecteur rss mac/firefox (là, j’essaie Sage c’est pas mal mais pas très beau). Mon cerveau est littéralement en train de bouillir, on est tellement tassés et entassés au travail, collés les uns aux autres, à se voler un oxygène qui commence à se raréfier que mes déclinaisons latines me remontent au cerveau ce qui n’est jamais bon signe (quand mon cerveau sature, il se répète des mots en boucle, soit des déclinaisons latines, soit l’alphabet grec, soit la dernière phrase entendue ou alors la bande-annonce d’Amélie Poulain « et elle, qui va s’occuper d’elle ? » mais ça c’est pare que j’étais hôtesse pour le stand MBK au mondial du 2 roues et que je passais 12 heures par jour en talons devant un écran qui diffusait exclusivement cette bande-annonce parce que Kassovitz dans le film il roule en MBK et nous, on nous demandait de vendre cette mob parce que 6 mois plus tard, elle allait plus être aux normes européennes et que MBK voulait s’en débarrasser avant, et bref, je crois que je ne me suis jamais totalement remise de cette expérience.) Le monde est moche. Je devrais être en train d’écrire un papier mais là, c’est pas possible, à ce rythme dans trois semaines on se jette les uns sur les autres pour se bouffer les intestins. Help. Je suis une blogueuse, sortez-moi de là.
Regardez à quoi on en est réduit avec Alexis sur gtalk
Pour justifier quand même ce post, LA vidéo du moment
Dans le genre horreur, vous vous souvenez de Cindy Laupers ? Bah elle a un peu forcé sur le gommage du visage. Allez-y voir les dégâts, c’est moche.
Sinon, en commentaire, Laurent demandait une vidéo pathétique de Koala et aujourd’hui, je tombe justement là-dessus (elle est pas top mais la coïncidence était trop belle)
28 janvier 2011
De la névrose, des vieux lol, des singes et Hitler
Quand je regarde mes deux derniers posts, je me dis que quand même, j’ai toujours pas bien compris le principe du blog. (Sachant que j’ai ouvert ce blog en 2008 et que nous sommes en 2011, c’est absolument affligeant.) Je traverse des épisodes clairement névrotiques où je suis incapable de poster un petit truc comme ça, au passage, rapide, pas réécrit 15 fois, juste spontanément. Et du coup, dans ces périodes-là, je poste peu. (Parce qu’en plus d’être maniaque, j’ai un fucking baobab dans la main.) C’est absurde, dans la mesure où étant moi-même lectrice de blogs, je sais que je préfère que mes blogs postent quotidiennement quitte à être moyens, plutôt qu’un truc hyper bossé deux fois par mois. J’envisage d’ailleurs de faire l’expérience, genre pendant deux semaines, me forcer à poster tous les jours, donc à accepter de publier des trucs moins finis.
Bref. Premier entraînement avec ce petit post de les choses du web que j’ai bien aimées cette semaine même si je ne suis pas tombée sur des trésors à foison.
D’abord, j’avais prévu d’en faire un post pour le blog. Un post avec les meilleures vidéos de vieux qui font des conneries sur internet. Et puis finalement, ça s’est transformé en article pour Slate. (Rapport au fait qu’en conf, il faut bien annoncer des papiers et que mon loyer est absolument indécent.) C’est là, et même si vous avez la flemme de lire, allez au moins regarder les vidéos (la dernière avec le vieux en tutu est quasi NSFW).
Dans la série, j’aurais pu mettre aussi cette vidéo.
Au premier abord, rien d’extraordinaire, j’ai même pas compris pourquoi le Dailywhat la postait, jusqu’à 1 minute où les deux vieux devant la scène se lancent dans une chorégraphie absolument géniale qui devient carrément folle à 1’25 avec la flamme du briquet. Et là, brusquement, ça me fait relativiser mon anniversaire et mon grand âge. (C’était la semaine dernière.) (Non, je vous assure, ça va bien.) (Pas de problème.) (Je ne vois aucun lien avec mon récent épisode névrotique.) (Oui, j’ai plus de 30 ans.) (Mais pour mon anniversaire, j’ai eu un petit Poney.) (Véridique.) Bref, quand je vois ces deux vieux, je me dis qu’avec meilleur ami on a encore un bel avenir sur le dance-floor.
Sinon, juste pour le fun, deux images qui m’ont faite glousser.
(Via Hotmuffin) Toute image détournée d’Adolf est un petit bonheur dans la grisaille quotidienne.
Et hier, j’ai accompagné Nadia-Zappette se faire tatouer.
Et ce matin, je tombe sur LA photo DU tatouage ultime :
De les animaux, parce que ça fait longtemps. Dans un zoo, ils ont décidé qu’il fallait arrêter de traiter les singes en captivité comme des putains d’assistés. Du coup, ils leur apportent de la bouffe cachée dans de la gelée bleue pour que les pitits singes se donnent quand même un peu de mal. Alors 1°) l’agilité des singes avec leurs mignonnes mains me fascine, 2°) comment on peut être aussi agile et empoté en même temps, vu que pas un seul de ces singes n’arrivent à foutre la nourriture dans sa bouche. Regardez bien, ils arrivent à fouiller dans la gelée de style avatar, mais systématiquement, ils lâchent la bouffe qu’elle soit dans leur bouche. Exaspérant.
Pour finir, la géopolitique, parfois c’est simple comme une branlette :
PS : juste un lien au passage pour les fans de Community et Sauvés par le gong (à savoir moi) un comparatif assez convaincant des personnages des deux séries. Mais somme toute logique puisque Community reprend les codes de la sitcom pour les détourner.
26 janvier 2011
Comment je ne suis pas devenue reporter de guerre 2
En premier lieu, je tiens à apporter une rectification à mon post précédent. Ca sautait pas aux yeux sur la vidéo de la conf de rédac mais il y a des jeunes à Slate. Preuve par l’image.
(Je devrais peut-être demander à Slate de me rémunérer pour raconter les coulisses de la rédac.)
Résumé de l’épisode précédent : je voulais partir en Tunisie assister à la révolution de jasmin, à la place je suis partie à Tours voir le FN. (Aucun lien hein.)
Là, il faut que je précise que je ne suis pas partie seule. (A ce propos, je signale que non, je ne suis pas fiancée.)
Je suis partie avec un garçon qui est blogueur politique, loleur anonyme, stagiaire à Slate et accessoirement, mais ça, il avait omis de me le dire avant le départ, qui se trouve être également le fils naturel de Pierre Richard. Je vais pas lui pourrir son référencement Google n’est-ce pas, donc on va l’appeler David Richard. Vous avez vu la Chèvre ? Vous vous souvenez du test de la chaise ? Et de la salière ? Bah voilà. C’est David Richard. David Richard, debout dans le train, il veut s’adosser contre un mur pour reprendre son souffle (parce qu’évidemment il a couru parce qu’évidemment il avait oublié la moitié de ses affaires à l’hôtel et que le mec de la réception l’a appelé à deux minutes du départ du train, et qu’il a couru et que miracle il a récupéré ses affaires et a réussi à monter dans le train) donc il est essoufflé. Il s’adosse. Bah forcément, il faut qu’il s’adosse contre la porte des toilettes. Et évidemment il faut qu’il y ait quelqu’un dans lesdites toilettes à cette minute précise et que la personne décide d’ouvrir la porte exactement à ce moment-là. Ca, c’est une minute de la vie de David Richard. Vous pouvez multiplier ça par l’intégralité du week-end.
Autre exemple, il s’est retrouvé sans ordi au congrès parce qu’il a un problème avec le sien et qu’il a également eu un léger souci avec le laptop de Slate. Il avait également une difficulté technique avec son téléphone portable. Le moment du week-end où j’ai eu le plus peur, c’est pas du tout quand Jean-Marie Le Pen a décidé de se lancer dans le récit de sa vie par le menu pendant deux heures et demies, ni quand des centaines de personnes se sont levées pour crier « Bleu, blanc, rouge, la France aux Français ». C’était sur le quai de la gare (le train de retour avait 20 minutes de retard, l’effet David Richard peut-être ?). David se lève à l’approche du train et commence à marcher. Et là, horreur, je m’aperçois que les lacets de ses baskets sont défaits. Mon cerveau, entraîné par deux jours de coexistence avec lui, anticipe immédiatement la scène, les pieds qui se prennent dans les lacets qui traînent, David qui chancelle, va trébucher, en tombant il va agiter ses bras devant lui et malencontreusement pousser sur la voie une enfant de quatre ans. Je pousse un long cri, je prends mon élan et je me précipite sur lui, je le ceinture avant le drame et je le supplie avec des sanglots d’angoisse dans la voix « David, fais tes lacets immédiatement. Au pire, on ratera le train, on passera la soirée à Saint-Pierre-des-Corps, c’est pas grave. »
Quand j’ai demandé à David Richard de m’expliquer comment il faisait, il m’a dit « je crois que je pense toujours à deux choses en même temps. » Effectivement, au restau, la serveuse demande « qui veut des cafés ». On répond tous. Sauf David qui, 55 secondes plus tard, lève la tête et dit sur un ton de regret : « j’ai oublié de répondre ». Comment on peut oublier de répondre ? On peut ne pas avoir entendu mais là, ça veut dire qu’il a entendu la question, qu’il a pensé « moi aussi je veux un café » et qu’il a oublié de le dire.
(Je suis complètement injuste avec David parce que moi, j’ai quand même réussi à rater le train le samedi matin, que j’avais évidemment les billets pour nous deux, et qu’il s’est retrouvé tout seul dans le wagon sans justificatif de transport.)
Nous voilà donc à Tours. Comme je m’y étais prise un peu à la bourre, le seul hôtel que j’ai trouvé s’appelait le Terminus. Là, même si vous n’avez jamais été à Tours, vous visualisez parfaitement l’hôtel miteux dans la petite rue qui longe la gare. D’ailleurs, il suffit d’aller voir leur site, injustement oublié par les Craypions d’or.
Le samedi, je m’étais levée tôt, j’avais passé la journée avec des frontistes, au moment où je suis rentrée à l’hôtel pour faire mon papier, j’ouvre la fenêtre et je hume une douce odeur de caoutchouc brûlé. Comme je nourris encore l’espoir de devenir reporter de guerre et que je sens que ce congrès est en réalité un test auquel me soumettent mes chefs, ni une, ni deux, je ressors pour voir ce qui se passe. « Couvrir l’évènement ». J’arrive devant une grande rue barrée par les flics qui disent aux piétons « on passe pas ». Je m’approche, je demande « ah, on peut pas passer ? » Le CRS me regarde comme si j’étais totalement demeurée (et autant dire que c’est une impression étrange venant d’un CRS) il me désigne le passe presse que j’ai autour du cou et me dit « bah si, vous, vous passez ». Ah ouais ?! Putain… J’avance et je me retrouve avec les CRS, avec les camions de CRS qui ont fait une souricière pour les lycéens qui manifestent parce que le racisme c’est pas bien. Il fait nuit, on est samedi soir, je suis à Tours et en prime, je suis du côté CRS de la barricade. J’ai une sensation de… bizarre. Normalement, j’ai toujours été de l’autre côté de la barricade parce que moi aussi j’ai été jeune, moi aussi j’ai trouvé que le racisme c’était moche et que le capitalisme était un horizon dépassable. Là, je me retrouve un peu comme une conne. J’attends, je sais pas trop quoi faire. Je vois un photographe qui est monté sur un « élément du paysage urbain ». Je décide de faire comme lui. (Je veux vivre jusqu’au bout mon expérience de grand reporter.) Et là, c’est complètement irréaliste. Debout sur un bloc minuscule où on se gêne mutuellement, je me retrouve à faire connaissance avec Benjamin. Je me sens pas totalement crédible en grand reporter vu que lui, il a un casque et un masque à gaz et moi, j’ai juste mis du mascara et du baume hydratant pour les lèvres. D’ailleurs, quand les CRS voient l’équipement de Benjamin, ils ont les yeux qui s’allument d’envie « oh… Il est super ton masque à gaz, c’est celui qu’on avait demandé mais on l’a pas eu. »
Je demande à Benjamin ce qu’il fait comme boulot, il m’explique que d’habitude il est reporter de guerre. HAN… Comme moi !!! (Alors oui, je précise, du moment où j’ai grimpé sur un faux réverbère pour prendre une photo, je considère de facto que ça fait de moi une reporter de guerre.) Et puis, d’un coup, ça commence à s’agiter, les CRS chargent et là, je vois les photographes partir en courant. Je les suis. Et je suis absolument scotchée par leur capacité à être partout en même temps. Je me dis que c’est quand même autre chose que les grosse feignasses de journalistes politiques qui ne quittent pas la salle de presse du Palais des Congrès et qui, à cette heure-là, devaient être en train de boire un armagnac au bar de leur hôtel.
Après toutes ces aventures, je rentre à l’hôtel fourbue. Je me décide enfin à faire mon papier. Et après, je décide de faire pipi. (Ma vie est une succession de décisions importantes.)
Guide des chiottes n°16 et 17
Fail #1 : En grande prêtresse du guide des chiottes, je décide de vérifier le matos. J’ai bien fait : la chasse d’eau ne fonctionne pas. J’ai inventé plein de critères pour noter les chiottes du monde entier. Mais la chasse d’eau c’est même pas un critère, c’est juste l’essentiel.
Fail #2 : tant pis. Je vais prendre une douche pour me détendre, ce qui, accessoirement, me permettra de pisser dans la douche. (Comme elle l’avait dit, un petit pipi sous la douche un grand pas pour l’écologie.) Je vais dans la douche et là, je découvre qu’il n’y a pas d’eau chaude. C’est même pas de l’eau tiède, c’est glacé.
En même temps, vu l’installation de plomberie…
Fail #3 : j’abandonne l’idée de pisser et de me laver. Je vais plutôt regarder la télé. On est samedi soir, je vais pouvoir me faire un petit shoot d’Eric Zemmour. J’allume la télé, je cherche France2. Pas de France 2. Ok, pas grave. Un New-York/Tourcoing Police Judiciaire, ça m’ira très bien. Je cherche TF1. Pas de TF1. En fait pas de chaînes hertziennes ou TNT. Au Terminus, ils n’ont que des chaînes américaines de billard.
Comme je n’ai pas fait pipi depuis plus de 30 heures, le lendemain, je pars explorer les chiottes du palais des congrès.
Pisser au palais des congrès Vinci de Tours, ça se mérite. On suit un chemin presque religieux, dans le silence on traverse de vastes espaces, c’est une expérience quasi mystique qui se vit ici, chaque pas vous permet de mieux rentrer en communion avec vos besoins naturels, de sentir au plus profond de votre être que quand vous avez vraiment très très envie de pisser, une dizaine de pas de plus c’est pas loin d’être une dizaine de pas de trop.
Mais ça vaut le coup.
Au terme de toutes ces folles aventures, vous attendiez peut-être encore que je raconte le congrès du FN mais en fait non parce que je l’ai déjà fait sur Slate. En deux parties.
Nota Bene : pour finir, une interrogation existentielle amicale. Comment est-ce que je vais pouvoir annoncer à Chryde qu’il a un jumeau dont a priori il a dû être séparé à la naissance et dont il ignore l’existence ? Pire, lui dire que son jumeau habite entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps et qu’il est croisé avec John Lennon ?