31 mars 2010

Ouin-Ouin mon voisin

J’ai donc un nouvel appart. Résumé pour ceux qui n’ont pas suivi les épisodes précédents – ce blog est comme un merveilleux feuilleton dans lequel il se passerait un évènement essentiel tous les six mois, ce qui, à l’échelle d’une vie, est énorme. Avant, j’habitais dans un bouge insalubre. Je n’avais pas de voisin au-dessus de chez moi parce que j’étais au dernier étage. Je n’avais pas de voisin en-dessous de chez moi parce que j’habitais au premier étage. J’habitais donc dans un cube d’un seul étage. Un cube orange et marron. Le cube était composé de la reproduction de 10 fois le même studio, l’un à côté de l’autre. Ma santé mentale était chancelante. Mais mes voisins étaient d’une discrétion absolue. Il y avait la famille juive, avec la maman en perruque, et leur bébé. (Dans un studio de 20 mètres carrés donc.) Il y avait le jeune citronné asiatique qui voulait pas me prêter son wifi. Il y avait un roumain dépressif qui écoutait REM. Une mère africaine et ses 3 enfants, qui sortait téléphoner dans le couloir pour pas réveiller ses mômes dans les 20mètres carrés. C’était coolos.

Et puis sont arrivées la richissitude et le couple. J’ai donc emménagé dans un très zoli appartement de mes rêves. Désormais je gravis lestement 5 étages pour rentrer dans mes pénates. J’étais tout bonnement aux nuées des anges (nonobstant le fait de vivre avec l’impression qu’un jour la police va sonner et me dire qu’il y a eu erreur et que je dois rendre l’appartement maintenant s’il vous plait mademoiselle, retournez sous un pont). Evidemment, il y avait eu la lettre désespérée de la voisine du dessous suite à la crémaillère/anniversaire. Mais ça, je pouvais gérer. Le vrai problème s’est révélé quand j’ai rencontré Ouin-Ouin et que mon appartement s’est transformé en maison en main d’épices. Or pain d’épices = sorcière.

La première entrevue Ouin-Ouin/Titiou s’est faite un vendredi soir où j’étais seule dans mon palace, révisant des théories de physique quantique pour me détendre de ma journée de labeur. On sonne. Je pousse un soupir las et me lève, rabattant les pans de mon peignoir en soie sur mes cuisses frissonnantes, mes seins d’albâtre pointant sous le frêle tissu (j’envisage de me lancer dans le récit érotique). J’ouvre la porte et là, je me retrouve nez à groin avec Ouin-Ouin.

Ouin-Ouin est petit. Ouin-Ouin a un âge indéterminé qui se situe entre 35 et 55 ans. Ouin-Ouin n’est pas le fiancé de Mimi cracra puisque Mimi Cracra l’eau elle aime ça.

Vous avez vraiment cru que vous alliez échapper à un générique de dessin pas animé des années 80 ? Pas animé, parce que c’était comme petit ours brun, statique. Vous noterez la non animation de l’eau dans le générique. Au début des années 80, l’eau c’est des pointillés qui bougent.

Ouin-Ouin trouve la collection de prêt à porter SDF 2010 du meilleur goût. Mais Ouin-Ouin cultive aussi un brin d’excentricité qui se symbolise par le port d’un bonnet péruvien. Ouin-Ouin n’aime pas trop les choses compliquées pour le dedans du cerveau. Par contre, Ouin-Ouin apprécie grandement les bienfaits du crack.

Bonnet-peruvien_zoom

J’ouvre donc et je découvre Ouin-Ouin. Ouin-Ouin dodeline de la tête, faisant doucement bouger son charmant couvre-chef. J’attends, vaguement hypnotisée par l’ondulation des deux bouts de ficelles qui pendent du bonnet péruvien. Ouin-Ouin ne dit rien.

Titiou : Oui ?

Ouin-Ouin me demande avec un sourire timide : « iiiddjjjaaaiiiinnnngue ?  »

Je dis à Ouin-Ouin que je ne comprends pas le péruvien.

« Iiiiidddjjjamisiidddjjjjjjjseringue ? »

Quoi ?

« iiiidddjjjamischezmoisoirée » purée de syllabes au milieu de laquelle soudainement j’entrentends (du verbe bien connu entrentendre formé sur la même construction que entrapercevoir) « est-ce que vous avez une seringue ? ». Je vous résume : Ouin-Ouin organise donc une soirée avec ses amis et me demande de lui prêter une seringue. Il prend la peine de me préciser que c’est pour un de ses amis. Effectivement, c’est vachement plus rassurant. J’ai quand même pris la peine de répondre non avant de fermer la porte devant un Ouin-Ouin souriant.

Le dimanche matin suivant, on sonne à la porte. J’étais alors plongée dans la lecture des Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science. J’ôte mes boules de geisha avant d’aller ouvrir la porte – un reste de mon éducation dans un collège puritain. J’ouvre donc. C’est Ouin-Ouin. Ouin-Ouin a toujours son bonnet péruvien mais un nouvel accessoire. Au bout de son bras tendu, il agite une bouilloire. Ouin-Ouin sourit timidement et me tend sa bouilloire avec un air satisfait, comme si ce geste devait provoquer des ondes de bonheur dans mon cerveau à moi.

– Quoi ?

– Iiiiijjjjddddiiiipaslegazpourfairecafé. Me fairechauffer eau ?

OOOOHHHH… C’est un putain de miracle de ouf. Le déchet péruvien accro au crack qui vit au-desssus de mon très joli appartement n’a pas le gaz. God, you rock my life. Mais bon. Je me défile quand même.

– Ouin-ouin, tu veux pas demander au voisin du palier d’en face ?

– Iiiijjjjdddéjàdemandé. Miiiii il est pas là.

Et là, Ouin-Ouin esquisse un sourire pourri d’auto-satisfaction qui me fait comprendre que ce mec a beau ressembler à un écureuil dégénéré c’est avant tout une véritable plaie envoyée par le seigneur pour obtenir je ne sais quoi de moi. Je réfléchis à toute vitesse pour peaufiner une stratégie. Je ne veux pas lui prêter ma seringue en or, je ne veux pas faire chauffer son eau, je ne veux pas qu’il descende me voir tous les matins, je ne veux pas qu’il s’installe dans mon salon pour les dix prochaines années, je ne veux pas qu’il prenne Tikka en otage et  l’envoie se prostituer en Ukraine. Mais j’ai un problème, j’aime pas dire non aux gens dans le besoin. J’attends donc des gens qu’ils comprennent d’eux-mêmes que je ne veux pas sans avoir à dire non. Du coup, j’opte pour ma meilleure tactique, celle qui marche à tous les coups : la force de l’inertie, également appelée statue de sel d’un enfant juif poursuivi par des hordes de SS à Varsovie en 1940 et qui demande asile et nourriture. Donc je me fige totalement avec un air triste. J’arrête même de respirer. Je me dis que si je reste comme ça sans rien faire, il va sentir que je ne veux pas de sa bouilloire qui pue chez moi. Il va donc se sentir gêné et me dire de laisser tomber.

Sauf que ma stratégie fonctionne quand je suis à place de Ouin-Ouin, quand je veux qu’on me donne quelque chose. Ca marche beaucoup moins bien quand on est celui qui dit non. D’ailleurs, Ouin-Ouin l’a très bien compris parce que je remarque assez vite qu’il m’imite. Il s’est également figé avec un air triste d’enfant péruvien poursuivi par des hordes de militaires de Pinochet (c’est pas le même pays, merci, je sais mais c’est le même continent donc c’est pareil).

On est donc face à face sans bouger. Enfant juif versus enfant péruvien. On se regarde en silence. Pinochet versus SS. Se joue une compétition mondiale de regards Cosette de part et d’autre. Au bout de cinq minutes, je dois me rendre à l’évidence, Ouin-Ouin est dénué de tout sentiment d’empathie ou de gêne. Et comme il n’a pas de travail, il peut rester là, comme ça, pendant des semaines. Je lui arrache sa bouilloire des mains avec rage, il ouvre sa bouche pleine d’absence de dents pour sourire et remonte chez lui, victorieux.

Je fais chauffer l’eau. Je fulmine. c’est la première fois que le pouvoir de l’inertie perd. Mon système de valeur, mon rapport aux autres, tout s’écroule. Là, l’homme qui partage mon appartement et ma vie, arrive et me demande ce que je fais.

– A ton avis ? JE FAIS CHAUFFER DE L’EAU POUR CET ABRUTI DE OUIN OUIN DE MERDE PARCE QU’IL A PAS LE GAZ ET QU’IL VEUT SON CAFE DU MATIN.

– Pfff… T’aurais dû lui dire non. Maintenant il a compris, il va plus te lâcher.

Ca sonne à la porte. Je file la bouilloire à l’homme.  » Bah vas-y toi. Fais-le ».

L’homme prend la bouilloire, ouvre la porte l’air dur, les muscles bandés et voit Ouin-Ouin. (Une première rencontre avec Ouin-Ouin c’est toujours émouvant.) Je le sens chanceler. Ouin-Ouin lui sourit en agitant son bonnet péruvien sur sa tête comme une adorable petite chose qui ne se serait pas lavée depuis 20 ans. (Ca va, moi je le connais maintenant son petit numéro de charme du zoo de Vincennes.) L’homme sourit à Ouin-Ouin et lui donne la bouilloire. Là, je comprends qu’il est même prêt à lui donner son numéro de carte bancaire. (L’inertie fragile c’est ce qui fait que j’obtiens ce que je veux de cet homme, comme qu’il fasse les courses et la cuisine. Je peux rester prostrée et triste sur le canapé tant qu’il ne m’a pas nourrie.)

Conclusion de cette passionnante anecdote qui dégage Lost au rang de récit aussi terne qu’un roman de Robbe-Grillet. Depuis, Ouin-Ouin n’est plus venu demander de l’eau. Ce qui n’est en aucun cas un soulagement puisque ça signifie qu’il a désormais le gaz et que mon bel appartement va finir dans une explosion.

En effet, l’autre hypothèse était qu’il soit DCD. Or, j’entends son pas léger au-dessus de ma tête la nuit, ainsi que des pas plus lourds et joyeux que je suppose être ceux de ses animaux de compagnie, Ijiji et Nijiji, ses deux lamas avec lesquels il fait des farandoles nocturnes :

Alianza_Peruvian_Choco

condor

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27 mars 2010

Release the Kraken!

Ca n’a rien à voir alors je fais un autre post mais en vitesse.

Vous allez au cinéma ? Moi oui, parce que les images qui bougent c’est à peu près la seule chose au monde capable de me calmer. Et donc plus elles sont grandes, plus je suis apaisée. Bref. J’ai vu Alice au pays des merveilles et je suis désolée parce que je sais que toutes mes amies ont aimé mais c’est une putain de daube au fromage. Les pubs Lolita Lempicka sont plus belles. Où on comprend que la 3D c’est pas forcément une réussite et ça peut faire très cheap et pourquoi Avatar a coûté aussi cher. Je vais pas vous faire une critique circonstanciée du film parce qu’à peu près tout est nul. J’aurais mieux fait d’aller voir la princesse et la grenouille. Ou même de revoir Narnia.

Le dessin animé d’Alice était mieux. Il y avait un vrai danger, Alice risquait tout le temps de se faire couper la tête.

Sachez que la suite d’Alice aux pays des merveilles, dans l’oeuvre de Lewis Carrol, c’est De l’Autre côté du miroir. Petite j’ai adoré ce livre et là, je l’ai parcouru à nouveau pour tenter d’oublier que pour Burton les merveilles c’est des champignons tellement gros que je me demandais s’il allait pas nous foutre un elfe siliconné dessus. La trame narrative de l’Autre côté du miroir relève du génie. En fait, le pays où se retrouve Alice est un immense échiquier. Alice commence comme un pion et chacun de ses déplacements correspond à un coup en échecs. En gros, un chapitre = une case. La structure narrative du roman imite donc une partie d’échecs. Génie bis. Chez Burton… bah simplement y’a pas de structure narrative. (Et ne me dites pas que c’est parce que c’est adapté aux enfants. Les enfants sont certes pas très intelligents mais passé 7 ans, ils parviennent quand même à suivre une histoire légèrement complexe. Personnellement, j’avais 8 ans quand j’ai appris à jouer aux échecs et pourtant, dieu sait que j’étais pas une enfant particulièrement dégourdie du cerveau.) Dans les deux romans, Lewis Carrol garde une distance moqueuse et attendrie vis-à-vis d’Alice qui a quand même un côté petite peste. Chez Burton c’est une « douce enfant au coeur pur ».

Dernier exemple de la simplification honteuse de l’univers de Carrol. Dans le Miroir, Alice se demande si elle rêve. Mais il se trouve que le roi rouge rêve aussi. Elle ne sait donc pas si cette aventure c’est son rêve à elle ou celui du roi. Si elle rêve que le roi rêve ou si le roi rêve qu’Alice rêve. Chez Burton, elle pense qu’elle rêve et puis en fait non, c’est la réalité. Apportez-moi une corde.

Bref. Le seul avantage d’aller au ciné voir Alice c’est de mater la bande-annonce du Choc des Titans. Un film qui certes ne sera sans doute pas très fidèle à la mythologie mais depuis que j’ai vu Troie/Troy et qu’Achille ne meurt pas d’une flèche dans son talon, je suis prête à tout accepter. Mais surtout, cette bande-annonce a marqué les internautes à cause de la phrase de Zeus, aka Liam Neeson, très énervé qui lance la menace ultime, synonyme de terreur et de destruction pour l’humanité « Release The Kraken ». (Le Kraken, comme son nom plutôt nordique l’indique, n’a rien à voir avec la mythologie grecque mais les scénaristes américains l’aime bien. C’était déjà le gros monstre à dents et tentacules dans Pirates des Caraïbes 2.) « Release the kraken » est donc devenu un meme dans lequel on met ce qu’on veut comme Kraken. Si vous avez un ami moche, c’est le moment ou jamais de photomonter.

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Mais mon préféré c’est celui-là :

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Ma contribution en copié-collé rapide parce qu’on est samedi et que je vais penser à développer une vie sociale.

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27 mars 2010

Le porno c’est tabou – part three

Avec mon article sur Marine Le  Pen, je n’avais toujours pas été citée sur Fdesouche. Là, j’ai pensé : « ça commence à bien faire ». Je me suis donc fendue d’un très beau papier sur Eric Zemmour, dont le titre original était « Eric Zemmour doit-il mourir ? » mais qui a été honteusement censuré, et voilà enfin, jour de gloire est arrivé, je suis citée sur Fdesouche. Je le redis pour ceux qui auraient loupé le premier link (on est samedi, vous avez bu hier, je le sais), mon papier Eric Zemmour est là.

De Zemmour au porno, il n’y a qu’un pas que nous franchissons main dans la main, ami lecteur.

J’ai donc dit que je répondrais aux commentaires le week-end dernier. Je n’ai donc pas répondu aux commentaires. Et finalement, vu l’inflation de commentaires sur le sujet du porno, nous avons décidé en conf de rédaction avec moi-même et moi-même que nous répondrions zaux commentaires dans un post dédié exprès pour la semaine prochaine. Oulalala… que tout cela est follement blog, so 2008. Interaction me voilà, le minitel n’a qu’à bien se tenir.

Si le porno évolue vers du plus trash, il marque aussi une autre tendance (mais qui va avec). Il cherche à effacer les distinctions entre son univers et la vie IRL.

Une tendance qui fonctionne dans les deux sens.

D’un côté, des pratiques qui étaient en général plutôt réservées au domaine du x se démocratisent. (Je précise que je ne porte aucun jugement de valeur, je constate seulement.) Il peut s’agir des sex-tapes que les couples font tranquillement chez eux, du sexting en général, de pratiques qui tendent à se généraliser (sodomie, éjac diverses et variées, bondage, partouze, tout jeu de domination). Dans ce sens, la sexualité avec l’autre tend à copier le porno, à jouer avec ses codes (y compris en reprenant son langage) avec l’idée que c’est licencieux et interdit (donc excitant) puisque le porno c’est sale. C’est précisément ce phénomène auquel je voulais m’intéresser quand j’ai commencé la série des vendredis sexe. Evidemment, la sexualité va de pair avec des jeux de dominations, avec la recherche de limites et de tabous, avec la transgression. Mais sans le porno actuel et son accessibilité, la tendance serait peut-être moins générale, limitée à des individus qui cherchent réellement cette transgression pour en jouir. Le X offre à toute la société un modèle de transgression, des fantasmes pré-fabriqués que les individus reproduisent sans vraiment s’interroger sur leurs limites personnelles, leurs fantasmes propres.

Dans le même temps, le porno tend à se faire passer pour du vrai. C’est évidemment une évolution qui commence avec l’apparition du gonzo. Il y a quelques années, on avait l’impression que la problématique du X allait être son rapport avec le cinéma classique. S’il allait s’en rapprocher ou s’en distinguer. Les superproductions façon blockbusters américains cartonnaient. Il y avait des films en costumes. Mais ça, c’était sans compter sur la jonction de deux facteurs : l’un technique avec l’expansion du web et des caméras pas chères, des moyens technologiques plus simples à utiliser, l’autre sociétal, les goûts des consommateurs qui, en écrasante majorité, ne veulent pas du cinéma mais du cul. Du cul rapide à consommer. (Même s’il existe quelques cinéphiles du X mais ils sont minoritaires.)

Ces deux facteurs ont favorisé l’apparition et le développement du gonzo. Dans le gonzo pas de scénario, de dialogues écrits, pas d’arrivée du plombier pendant que les deux colocataires sont en train de se toucher. Le gonzo se résume à un objet : le canapé. Le gonzo pourrait être financé par Ikéa. Une caméra portative, un canapé, une chatte, des bites. Juste du sexe. La problématique du porno est alors passée du rapport à l’art au rapport à la réalité. Mais l’évolution ne s’est pas arrêtée là. Au début des vidéos gonzo, on fait parler la fille, on l’interviewe « et pourquoi t’es là ? Parce que t’aimes ça ? ». Dans le porno traditionnel, l’actrice ne parlait pas en son nom, elle récitait le texte de son personnage. Désormais, on essaie de nous faire croire avec ces introductions que c’est la fille qui parle et pas un personnage. Et donc que c’est « pour de vrai ».

De manière générale, on trouve de plus en plus de catégories de vidéos X qui cherchent à mimer le réel, à abolir les frontières entre les deux sphères : la sphère du cinéma X et de la sexualité quotidienne (quotidienne c’est pas le bon mot mais vous aurez compris). Evidemment, il y a toutes les vidéos classées « amateurs » et qui en sont rarement. Mais il faut faire croire que c’est un couple, que c’est une meuf comme ta voisine, ou ta collègue ou ta mère. Il y a aussi les scènes de cul tournées dans des lieux publiques et désormais devant des gens qui ne sont pas acteurs. Sur les sites américains, ce sont toutes les vidéos de « party » étudiantes. On nous fait croire que ce sont des soirées entre étudiants qui tournent à l’orgie. (Là encore, c’est presque toujours du fake.) Il y a les faux drames familiaux. Une fille et son père/son beau-père/l’ami de son père. Une mère et son fils/le petit ami de sa fille. Et bien sûr une mère et sa fille. (Fake, fake, fake.) Moins fake, des sites qui proposent à des amatrices de réaliser leurs fantasmes gratuitement en échange du droit à l’image. Et donc le site dont je vous parlais il y a deux semaines et qui fait participer des amateurs à des gang-bangs relève totalement de cette évolution. Mais là, une étape est encore franchie puisqu’il ne s’agit pas de fake.

Dans tous ces exemples, le porno cherche à se faire passer pour un reportage de confession intime. Comme si par hasard la caméra avait saisi une scène totalement interdite mais réelle. La caméra portative mimant d’autant mieux la séquence reportage.

Ceci étant, dans la plupart des cas, la tendance est plus compliquée que seulement « faire vrai ». Sinon, on en reviendrait tout simplement à des vidéos de couples qui baisent. Or, il y a une véritable surenchère. En fait, il s’agit de faire croire que le porno est dans la vie quotidienne. De montrer précisément le brouillage des frontières qu’on est en train d’opérer. Il ne suffit pas de (faire semblant de) filmer une scène de cul dans un bus mais de montrer que la meuf, cette grosse cochonne, se fait prendre dans un bus et en plus en redemande.

Il ne s’agit pas de filmer la girl next door en train de baiser mais de montrer que la girl next door en réalité est chaude comme une professionnelle du X.

Un double mouvement donc puisque la girl next door va avoir tendance, dans sa vraie sexualité, à mimer les codes du X.

Je vais pas mettre une photo de gonzo porno quand même. Donc gonzo-journalisme.

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Sinon, à Playboy, ils ont une vision très blonde de la girl next door. Autant dire que ma voisine à moi, elle ressemble pas trop à ça.

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Mais finalement, ce qui illustre le plus parfaitement mon propos c’est le peech du film Girl next door.

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19 mars 2010

Le porno c’est tabou – part two

J’ai z’été fort nulle de ne pas répondre aux éminents commentaires sur le précédent post porno mais travailtravailtravail – je vais essayer de le faire ce week-end pour être un peu 2.0.

Avant de revenir à notre affriolant sujet, sachez que j’ai passé la semaine à me cogner du Marine Le Pen – ce qui potentiellement expliquerait mon impression nauséeuse du jour. Déjà, en soi, aller lire dans le texte le F.N. c’est rude (et les forums n’en parlons pas) mais alors en plus pour me rendre compte qu’elle veut faire de l’extrême droite un allié du gouvernement et briguer quelques postes au passage, j’avais plus la tête dans les chiottes pour vomir mais directement dans les égouts pour gober des rats morts. Bref. Il y a eu pire. Comme j’ai fait un long article de décryptage sur un ton calme (un vieux reste universitaire en moi) (vous avez compris que quand c’était en rose faut cliquer hein) j’ai eu droit aux commentaires ravis de ses partisans. Ravis. Heureux. Satisfaits.

Enfer et damnation… Jean-Paul Sartre, viens à moi et envolons-nous vers d’autres cieux plus cléments au pays des popples parce que « tout le monde aime les popples » et « les popples sont là pour sourire » ce qui, au passage, en fait des êtres exceptionnels, uniques exemples dans le règne vivant de créatures dont la seule justification existentielle est de sourire.

(Tu ne connais pas les popples ? Ta date de naissance est peut-être postérieure au premier septennat de Mitterrand. Dans ce cas, je t’éclaire vite fait. Les popples étaient la version matriarcale des télétubbies. Alors que les télétubbies étaient symboliquement une bande de phallus en érection, les popples étaient un groupe de ventres matriciels.)

Bref. Revenons au porno, je vous expliquerai un autre jour en quoi vos sexualités déviantes sont dues en partie aux dessins animés de votre enfance.

J’avais commencé à parler du pron sur ce blog pas du tout pour booster les visites dans un but de pur racolage qui me ferait horreur, mais parce que c’est un sujet de société important auquel la  société refuse de s’intéresser. Une négation du phénomène qui a plusieurs conséquences.

D’abord, le fait que personne ne s’intéresse réellement au fonctionnement du X facilite l’absolue tranquillité dont jouit ce genre de dérives. Parce que l’idée générale reste : le porno c’est sale, on va faire comme si ça n’existait pas. S’il reste une part de honte judéo-chrétienne associée à la masturbation, s’y rajoute désormais la honte de tirer du plaisir de scènes dans lesquelles les femmes sont souvent humiliées. Et l’humiliation des femmes c’est mal. Le sentiment de gêne l’emporte alors sur la nécessité sociale du parler du sujet, comme si celui qui allait oser l’aborder avouerait sa propre infamie.

Sauf que quand on finira par s’intéresser au porno, il sera un peu trop tard pour changer quoique ce soit. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut tout interdire évidemment mais qu’à ne pas s’en occuper, il ne faut pas s’étonner que l’industrie du X ne s’autorégule pas d’elle-même (ça marche pas pour les autres activités capitalistes, pourquoi ça marcherait avec le X ?). Sans règle c’est le bordel. Alors, vous allez peut-être me dire que si, il y a une législation du porno en France qui définit clairement dans quel cadre un programme « pour adultes » peut passer à la télé. A LA TELE. Mais mes braves amis, QUI attend encore d’être seul dans le salon pour allumer la télé et se branler ?

Je ne suis donc pas loin de proposer un Grenelle du porno qui nous sortirait des débats foireux du type « pour ou contre ». Parce que c’est l’autre problème, tout débat sur le X est victime d’une simplification trompeuse : vous êtes pour ou contre sans tenir compte de la diversité des productions. C’est jamais pour ou contre le gonzo, pour un porno subventionné et donc contrôlé. Nan. Vous êtes pour OU vous êtes contre la pornographie. Comme si tout se valait. Pfff… n’importe quoi.

Pourtant, le porno pose des questions essentielles à la société, des questions auxquelles visiblement donc personne n’a envie de répondre. C’est d’autant plus étonnant qu’elles rejoignent d’autres sujets de société. Elles tournent autour de l’interrogation : est-on complètement libre de disposer de son corps ? A-t-on le droit de le vendre ? Pour un usage sexuel, ou même en étant mère porteuse. La dignité humaine est-elle un devoir ou un droit ? Autrement dit, la société autorise-t-elle qu’un de ses membres décide de perdre sa dignité ?

Et pendant ce temps, le porno évolue. Les sites comme celui dont je parlais la semaine dernière, en sont la preuve. Et même si ces sites restent largement minoritaires, ils méritent qu’on s’arrête dessus parce que dans le porno, les pratiques marginales tendent à devenir la norme. L’évolution actuelle du genre, et de son économie, va vers la surenchère. (Les producteurs rejettent la faute sur les consommateurs. « Ils veulent toujours plus trash ».)

Attention, la semaine prochaine j’arrive à ma théorie à moi sur le rapport entre le porno et notre sexualité courante.

En guise d’illustration, j’ai envie de dire : wtf. Grâce à internet on sait qu’il existe d’autres formes de perversité comme se mettre des fruits sur la tête et faire de la musique avec :

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Les gens sont bizarres quand même… J’aimerais tellement connaître le contexte de cette photo mais la page sur laquelle elle figurait a été effacée…

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12 mars 2010

Le porno et ses dérives – part one

Donc c’est vendredi, c’est poisson, c’est fion (attention, ce post est garanti sans blague, chercheur de lol, passe ton chemin, va plutôt chez zigonet.)

Dans le genre, je révèle les coulisses de la rédaction de G&G, sachez qu’en conférence, on a longuement hésité à aborder le sujet du jour. (Han… putain, c’est vachement bien de parler au pluriel. C’est comme si mes amis imaginaires existaient. J’aime.) Simplement parce qu’on ne voulait pas faire de la pub gratuite à l’abruti capitaliste dont on va donc parler sans en parler. Et puis finalement, ne pas en parler alors que ça existe nous a paru pire (et vous allez voir que c’est même la thèse finale de ce post au terme duquel vous noterez mon incroyable cohérence intellectuelle).

Depuis quelques temps, sont donc apparus de nouveaux sites x. Des sites qu’on pourrait qualifier de « niches », spécialisés dans certaines pratiques. En gros, ils organisent des genres de gang-bangs. Pour l’instant, vous allez me dire c’est aussi classique que du Molière. (A part que lui, il disait « cachez de ma vue ce sein que je ne saurais voir ».) La nouveauté c’est qu’il suffit de s’inscrire sur le site pour participer au tournage. L’idée c’est que la nana est payée, et que les mecs sont des volontaires, des n’importe qui tant que tu es un homme. (En l’occurrence, pas mal de jeunes du 77, du 92 ou du 93 qui crient avec beaucoup de bon goût pendant l’acte « 77 représente !! ») La scène est filmée et le site vit de sa fréquentation et de l’abonnement pour mater les vidéos. Présenté comme ça, ça n’a pas l’air horrible. En réalité, c’est atroce.

Le problème n’est pas de se demander si en soi des pratiques comme le gang-bang ou autres sont mauvaises mais de s’intéresser aux conditions.

Or là, on assiste à un changement de régime économique qui va de pair avec un changement de mentalité.

On est dans un système qui n’est ni du X, ni de la prostitution. Ou alors les deux à la fois. (On peut d’ailleurs se demander si ce n’est pas à la frontière de la légalité.) Une prostitution dans laquelle les clients ne paieraient rien. Si en psychanalyse, on insiste sur la nécessité de payer, c’est pareil pour le cul sensément tarifé. Les mecs qui participent à ces séances ne sont pas payés, ils ne sont pas des acteurs, ils ne connaissent pas cet univers, ce n’est pas leur travail. Conséquemment, ils n’ont pas de rapport professionnel avec les actrices. Ils les baisent. C’est tout. Ils ne sont pas payés mais ils ne payent pas non plus. Ils sont donc face à une pute gratuite. Offerte. Cette absence de finance va de pair avec un flou quant au rôle de chacun. Parce que l’argent clarifie aussi les rapports entre les agents économiques.

Du point de vue de la fille, elle ne choisit pas de tourner une scène avec tel acteur qu’elle a déjà croisé. La nana n’est pas non plus dans une démarche de racolage d’un client. On la jette en pâture à une assemblée d’inconnus convaincus qu’elle adore ça. Pire, avant d’entrer dans la pièce, elle ne sait pas exactement combien d’hommes participeront (en général entre 30 et 50).

En définitive, le seul qui sait tout c’est le producteur. Un producteur (l’abruti capitaliste donc) qui se place dans la position du maître esclavagiste de la fille. Il se fait sucer par elle devant les autres pour montrer qu’on peut tout lui demander et pousse les participants à être violents. Pour connaître les limites à ne pas franchir, les mecs ne regardent pas la fille, ils se tournent vers le maître du jeu. Elle n’est donc qu’un pion, un objet.

Quoiqu’on en pense, dans le porno, on sait que ce sont des acteurs, que c’est pour de faux. D’ailleurs, les actrices de X le disent souvent. Il y a une forme de respect entre acteurs, la conscience commune d’être là pour travailler et si certains sont des pervers qui profitent de la situation, en général ça reste clean entre eux. (Evidemment, je parle du porno traditionnel, pas de gonzo.) Ce nouveau type de vidéos joue précisément sur la situation inverse, le « pour de vrai ».

Le plus ironique c’est que si on a dit pis que pendre sur l’industrie du porno, on peut se demander si on ne va pas finir par la regretter dans la mesure où elle était suffisamment organisée pour servir d’interlocuteur.

J’ai encore 20 000 signes sur la question mais je les garde pour la semaine prochaine, ça fait des réserves.

Pour l’illustration, j’hésitais entre un truc mignon pour décompresser un peu. Genre ça :

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Et un truc plus trash comme ça :

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Finalement, j’ai pas réussi à choisir.

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