Inaugurons une série qui va flinguer ma maigre carrière. Une série de décryptage des yahoo news. Loin de moi l’idée de dire du mal de cette inépuisable source d’informations. Pour la plupart des détenteurs d’un compte yahoo, il s’agit d’un des moyens d’informations les plus performants. Un petit peu de Danah Boyd au passage. Toute information est reçue selon l’un des ces trois modes :
– actif (vous cherchez l’information – par exemple sur wikipédia)
– passif (on vous oblige à ingurgiter l’information – comme à l’école)
–osmotique (sans faire attention, vous êtes saturés d’informations et vous en retenez même vaguement quelques bribes par simple contact).
Les yahoo news sont donc hautement osmotiques. Vous attendez un mail important, vous consultez 20 fois votre boîte et vous finissez par « savoir » qu’un cyclone traverse le Pacifique, qu’un enfant est mort étranglé et que Julien Doré a fait un duo avec Carla Bruni-Sarkozy. Cette capillarité de l’info rend nécessaire de se pencher sur le contenu réel des yahoo news, qui ne doivent pas être si mal faites que ça vu à quel point elles sont addictives. Dans les yahoo news, on trouve : – du contenu people – de la dépêche AFP en veux-tu en voilà-là – de l’enquête scientifique au relents de bidonnage.
Etre intégré aux Yahoo news, de nos jours, c’est devenu un peu l’Eldorado de tous les sites, la garantie d’un nombre de visites au-delà de l’imaginable.
Aujourd’hui, intéressons-nous au traitement de l’actu.Sachant que la plupart des journalistes sont branchés sur les sites de l’AFP et Reuters en permanence, rien à redire. On va pas taper dessus simplement parce que c’est Yahoo. En plus, ça m’arrange, même plus besoin d’aller me connecter sur l’AFP, je l’ai direct avec mes mails. Mais l’importance que ces news prennent oblige à s’interroger sur le choix des infos mises en avant. A la minute où j’écris (mouais… c’était hier hein), on a « 25 000 milliards de dollars partis en fumée ! », « la guerre secrète : raid héliporté américain en Syrie », « DSK blanchi ! », « le PSG revient en force ». Sur la crise financière, enfin maintenant on va peut-être passer à crise économique, il s’agit d’un article du Monde auquel Yahoo a rajouté un point d’exclamation toujours de bon goût, la Syrie et DSK c’est direct from Reuters, le PSG c’est du Pierre Ménès.
Ce que les Yahoo news révèlent avant tout c’est l’importance que prend l’information osmotique. Et en amont, ce besoin d’être perpétuellement connecté, tenu au courant, un besoin d’infos sans cesse renouvelées. On veut du neuf, plus de neuf. Sentir qu’il se passe des choses et qu’on est immédiatement au courant. Mais cette soif de nouveautés suppose de survoler les évènements parce que non, on ne peut pas à la fois être au courant de tout dans la minute et en avoir une analyse de fond. (Là, il y a quelque chose à creuser sur le bouleversement des structures de pensées qu’engendre le rythme internet.)
La Yahoo news c’est donc le survol des 4 actus censément les plus fortes de l’heure. Si on suit le trajet de l’oeil sur Yahoo, on regarde la photo, on lit le titre, la phrase elliptique en-dessous ce qui suffit à nous procurer l’impression de « savoir ». Impression éminemment trompeuse.
De plus, il y a des raccourcis problématiques. Ainsi, la news sur la Syrie, « Damas dénonce un crime monstrueux des Etats-Unis », est agrémentée d’un tiret « Israël vers des élections anticipées ». Evidemment, il s’agit d’un rubriquage géographique mais dans l’info osmotique, celle à laquelle par définition on ne réfléchit pas, qu’on reçoit simplement sans recul car sans même la conscience de lire de l’info et donc sans le décryptage nécessaire, on a un raccourci Etats-Unis/monstrueux/guerre secrète/Israël. Un assemblage de lexies pour le moins dangereux. Parce que ce que Schumpeter (aka God) disait de l’électeur-citoyen à savoir que ce n’est pas un être rationnel est également valable pour l’internaute.
Bien sûr, Yahoo n’est pas en train de monter un complot anti-sioniste. Par contre, on pourrait attendre de leur part une vigilance accrue sur leur mise en page dans la mesure où c’est ce qui constitue l’essentiel de leur traitement de l’information. « great powers make great responsability » (heu… à peu près ça hein).
En contemplant Girls & Geeks, mon espace qu’il est tout à moi, je suis un peu effrayée par cette somme de mots serrés les uns à la suite des autres. Je crois qu’il faut de l’image. Un peu d’iconique bordel. Donc aujourd’hui, je tente une vidéo, spécialement dédiée à Romain.
Il y a moultes années, le délire « Wassup » avait contaminé toute la planète. Pour ceux qui ont oublié :
Et bien ils sont revenus en force. Les mêmes acteurs mais cette fois, au lieu de nous vendre de la bière, ils nous vendent le « change candidat », you know the black one… Dans un contexte de crises économiques, de saisies immobilières, de catastrophes climatiques, de guerre en Irak – le fameux cri du « Wassup » a légèrement changé de ton et comme mon sens de l’humour a dû évolué en parallèle, ils me font de nouveau rire.
La dernière fois c’était très girls, aujourd’hui soyons plus geeks. Bon… ce texte n’est pas incroyable mais je dois absolument me tenir à mon éthique du recyclage maximum de tous mes papiers.
Commençons par une généralité. Internet produisant de nouveaux moyens de communication, il engendre également des formes langagières inédites. Au premier rang desquelles, une source de crispation, un sujet d’interminable polémique : les smileys. Impardonnable faute de goût pour certains, signe de coolitude pour d’autres, leur usage divise désormais la France en deux. Ceux qui les utilisent VS ceux qui ne les utilisent pas.
Et la question agite même les milieux universitaires : doit-on croire aux potentialités stylistiques des emoticons ? De très sérieux universitaires s’y intéressent (la preuve en lien).
Un peu d’histoire
En des temps immémoriaux, ils se réduisaient à deux expressions assez simples.
Il y avait :-) et :-(
Personnellement, je trouve le tiret pour le nez fort disgracieux. Mais on est en 1982, précisément le 19 septembre à 11:44 am et Scott E.Fahlman, professeur à l’université, vient d’envoyer un message historique dans lequel il propose l’emploi de ces deux symboles pour simplifier les communications informatiques. Contrairement aux usages modernes, il ne s’agissait pas du tout d’une opposition entre content et pas content. A l’époque, le premier devait servir à préciser que le message était à prendre sur un ton humoristique alors que le second était sensé souligner le caractère sérieux du libelle — parce que quand on est sérieux, on fait la gueule. Distinction effectivement fort utile puisque la communication exclusivement écrite du web et son emploi d’expressions orales peut donner lieu à de nombreux malentendus.
Graphisme
Il existe deux grandes familles d’emoticons : les japonais et les occidentaux, en résumé les coolos et les pas du tout pratiques. Les emoticons japonais sont beaucoup plus expressifs que les occidentaux (voir le tableau sur la page wiki). Autre infériorité des emoticons occidentaux : il faut se tordre la tête pour qu’ils prennent sens.
Et si on prend l’exemple de la colère, entre :( et è_é y a pas à tortiller.
Ou l’étonnement :-o et O_o
Face aux binettes japonaises, j’ai juste envie de dire \o/ (pour les plus de 19 ans je précise qu’il s’agit bien sûr d’un bonhomme qui lève les bras d’enthousiasme).
Utilité
Le smiley a gardé cette utilité de préciser le ton sur lequel prendre le message. En linguistique, on dit que le smiley sert à compenser l’absence de paraverbal, c’est-à-dire les intonations, postures, regards de notre interlocuteur. Cette compensation n’est pas négligeable, la communication inter-individu s’appuyant autant, si ce n’est plus, sur ce qui est explicitement dit que sur la manière dont c’est dit.
Imaginons une situation de la vie de tous les jours. Un garçon écrit à une fille « va te faire foutre ». Comment doit-elle le prendre ?
va te faire foutre :) => discret appel du pied dans une perspective copulatoire jouant sur la polysémie de la lexie « foutre ». (Evidemment, s’il avait écrit ça 3====D c’était tout de suite beaucoup plus clair.)
va te faire foutre :( => je t’emmerde connasse.
Mais bien sûr on va rétorquer que nos ancêtres s’écrivaient et que Mme de Sévigné n’a jamais eu besoin de smiley pour se faire comprendre de sa chère fille. De là, on passe rapidement à l’idée que l’emoticon marque une défaite du langage verbal, l’incapacité des mots à traduire nos inflexions. Avant les gens s’exprimaient intelligemment, maintenant ils sont tellement analphabètes qu’ils ont recours à de ridicules personnages pour mimer leurs intentions.
Sauf que la vitesse de transmission des messages s’est considérablement accélérée depuis les pigeons voyageurs ou même les pneumatiques. Et corrélativement, le nombre de messages. On peaufine moins ses mails qu’anciennement les lettres. C’est le règne de l’efficacité. Il faut aller au plus direct et là, l’emoticon a toute sa place. Il permet de lever en deux touches une possible ambiguïté verbale. Deuxième argument, le langage Internet, contrairement à l’épistolaire plus classique, marque une tendance à copier l’oralité, donc des expressions plus crues et directes qui, transposées à l’écrit, nécessitent une précision (comme dans l’exemple ci-dessus du « va te faire foutre », que Mme de Sévigné employait assez peu).
Evidemment, on ne peut pas nier que derrière les smileys, il y a un problème d’éducation et de niveau social. Leur emploi est perçu soit comme une invention saugrenue des jeunes, soit comme un signe d’analphabétisme — avec un recoupement assez facile entre les deux catégories ;) (pour la justification de ce clin d’œil, voir plus bas). Et en un sens c’est vrai. Les gens qui ne sont pas à l’aise avec l’écrit auront tendance à multiplier ces signes. Mais ils n’ont peut-être pas tord. Ils s’assurent ainsi une meilleure communication — le but de la communication restant avant tout de se faire comprendre.
Notons tout de même que nombre de journalistes ou chercheurs hautement qualifiés ponctuent leurs blogs de smileys (Narvic, Eolas, Olivier Ertzscheid) ce qui est sans doute pour eux un moyen plus ou moins conscient de marquer leur ancrage dans l’univers du net, la communication sur Internet n’étant pas une simple transposition sur informatique de l’écrit papier mais bien une forme d’expression différente.
Emplois stylistiques
Il y a un code implicite du bon goût régissant les emplois stylistiques des emoticons. Si pour les puristes l’apparition d’un :) est ontologiquement une faute impardonnable, d’autres acceptent sa modernité et tentent d’en exploiter la richesse. Il devient ridicule quand on sent combien telle figure s’insérerait parfaitement dans un message de ne pas le faire de peur de paraître ringard.
Tout l’art de la chose consiste à jouer sur les degrés de décalage entre la valeur du smiley et le sens verbal du message qui l’accompagne.
En règle générale, plus l’adéquation entre message et smiley est forte, plus l’emploi du smiley paraîtra maladroit car redondant. (A moins que le degré de compétence linguistique de l’énonciateur ne suffise à faire comprendre qu’il feint la maladresse.)
C’est toute la différence entre deux réponses à une même question : la soirée s’est bien finie ?
Réponse 1 : j’ai vomi :(
Le smiley ne sert ici qu’à insister sur un état et souligne finalement la pauvreté du message.
Réponse 2 : j’ai vomi :)
L’apparente contradiction entre les deux enrichit alors considérablement le message.
Le côté gentillet crétin du :) peut également être détourné au profit d’une bonne vanne, de n’importe quelle blague atroce (par exemple tournant autour de thème comme la pédophilie) ou d’insanités totales.
– Tu me trouves comment sur la photo ?
– Encore plus moche qu’en vrai :)
– Non, je te drague pas, j’essaie seulement de te foutre ma bite au fond du cul :) (from bashfr.org)
Un usage ironique des smileys a d’autant plus de force que l’ironie est un procédé de discours très élaboré – qui marque donc une forte capacité langagière à l’inverse de l’impression donnée par l’emploi des smileys (comme incapacité).
Le cas à part du ;)
Le clin d’œil occupe une place à part dans la mesure où il n’exprime pas une émotion mais permet avant tout d’atténuer ses propos.
Retenez une règle simple : éviter au maximum de mettre un ;) dans un message ironique. Le propre de l’ironie étant d’être diffuse, un panneau « c’est de l’ironie » ne fait que souligner que vous n’étiez pastrès sûr de votre effet. En clair, si vous recevez un message avec un ;) c’est soit que votre interlocuteur use d’une référence commune (il est dans une démarche de connivence, une tentative derapprochement) soit plus généralement qu’il y a quelque chose dans ce message que vous auriez pu mal prendre (comme je l’ai employé dans la vanne sur les jeunes analphabètes).
Comment font les autres filles ? Question fort intéressante à laquelle je vais tenter d’apporter une réponse aux vagues relents de misogynie – mais étant une femme (parait-il), j’en ai de facto le droit.
Après des années de réflexion sur le sujet, j’ai élaboré une hypothèse assez convaincante. Les autres filles, je soupçonne qu’elles se badigeonnent le corps avec des litres de miel et des kilos de gelée de rose pour ensuite apparaitre devant l’assemblée des hommes en s’exclamant : « g’arde comme je suis fragiiile et douce ». Et de faire quelques entrechats en répétant « je suis une pitite fleur ».
Et après cette opération magique destinée à imprimer dans le cerveau de leur interlocuteur qu’elles ont/sont un petit coeur vibrant d’amour, elles passent à l’étape deux : elles se transforment en harpie.
Evidemment, en société, face à leurs congénères, elles avancent masquées. Mais sitôt la soirée finie et le verrou de la porte fermé, ce ne sont plus que hurlements hystériques et déluge de reproches. « Mais comment ô grand dieux as-tu pu faire çâââ ?! T’as vu comment t’as réagi au moment où… et quand… Rhâââ… tu me fais tellement souffriiiir ». Mais l’homme se souvient du petit coeur en gelée de miel qui se cache derrière ce monstre fulminant. Qui plus est, ledit monstre a en sa possession l’arme la plus efficace au monde, un truc auquel je suis malheureusement aussi nulle qu’en Twitter : la culpabilisation. La culpabilisation ça a l’air hyper efficace pour dicter leur conduite aux hommes. « Fais pas ça/ la regarde pas / réponds pas » (voir l’intégralité des reportages de Confessions Intimes).
Donc, ça marche. Ca fait presque deux ans que j’ai compris que ce sont toujours les emmerdeuses qui gagnent. Et je ne leur jette pas la pierre.
Mais ces emmerdeuses qui semblent en position de supériorité se leurrent. Elles ne se placent pas sur un pied d’égalité avec leur partenaire. Derrière le « je suis irréprochable et toi, saloperie de phallus érectile tu MERDES » (ah oui, précisons que quand une fille commence par : « il y a un problème » faut toujours comprendre « toi/tu/homme as un problème »). Ce double discours de juge et partie implique une surveillance constante de la relation, y consacrer tout son temps, en faire sa priorité absolue. Parce que pour réussir à faire chier à ce point-là, ça demande un gros investissement en temps et en énergie.
Et bordel à foutre, j’ai quand même d’autres trucs plus importants à faire que d’aller tyranniser un homme.
Sauf que… Sauf que je me heurte depuis… allez une dizaine d’années, au même schéma. On pourrait penser que les êtres-à-corps-caverneux sont soulagés de ne pas avoir de harpie face à eux. Faux. Archi-faux. Ca doit être déstabilisant et puis, au fond, ils savent bien que la harpitude est le signe d’un dévouement sans borne. Pour eux, il semblerait que si vous n’arrivez pas peinturlurée de miel de rose en faisant vos entrechats, ça veut dire que vous n’avez pas de coeur.
Résumons : pas de petite fleur = pas de coeur.
C’est désespérant. Convenons-en.
Là, trois possibilités :
1°) pas vraiment une possibilité, plutôt une étape obligatoire. Sans doute parce que je fais 50 kilos, que j’ai les yeux vaguement verts, l’air fragile et un teint livide d’héroïne romantique, ils se disent systématiquement « elle fait semblant, elle feinte, elle se retient juste de faire ses entrechats de harpie. » Bon, là-dessus, en général, ils comprennent assez vite leur erreur.
Mais du coup, ils passent à l’opposé.
2°) le mode « ça le rend fou ». Il grimpe alors sur un char d’assaut avec une kalashnikov entre les dents pour m’en foutre plein la gueule et me prouver que je suis faite de purée de miel – et ça, quitte à me réduire en bouillie au passage, on n’a rien sans rien et rien ne vaut une bonne démonstration.
3°) putain, c’est incroyable, elle est vraiment pas chiante DONC elle est en béton armé. (faut dire que mon langage de charretier et ma légère propension au sarcasme et à la vanne n’aide pas à mettre en avant mon côté pitite fleur des bois). Bref, trop bien, s’exclame-t-il, moi qui avais besoin d’un mur d’appoint pour faire du basket. (Je sais, ça ne veut rien dire comme comparaison mais il est très tôt. En gros : pas besoin d’être sympa ou de faire des efforts.)
La maxime du jour sera donc : ENTRE LA HARPIE ET LE MUR D’APPOINT POUR LE BASKET PAS DE SALUT.